Une petite fille aime son père. Et ce père aime sa fille. C’est une histoire charnelle. La mère les surprend un jour dans le lit matrimonial et elle préférerait ne pas savoir, ne pas avoir vu. D’ailleurs, elle décide de faire comme si elle n’avait pas vu. Ici, on se cogne contre l’indicible, le tabou, l’immoral. Les regards des banlieues résidentielles croient voir quelque chose et ça donne le vertige comme dans les palais des glaces où les miroirs se multiplient à l’infini. Qu’est ce qui est vrai, qu’est ce qui est faux? Qui raconte l’inceste sans se perdre? Dans cette pièce que Katja Brunner écrit à la suite de l’affaire Natascha Kampusch, l’auteure casse la narration dominante de l’abus et cherche à voir ce qui se passe dans cette relation entre le couteau et la plaie. Elle fait résonner toutes les justifications, celles des victimes, celles des coupables, et celles des coupables qui traversent la bouche des victimes. Cette pièce secouante pose la question de l’inceste et nous oblige à affronter la violence intérieure du système inceste pris dans les mailles de l’amour paternel.
// Pourquoi elle ne crie pas, quand elle voit ça, pourquoi elle n’appelle pas tout le voisinage à la rescousse, des témoins //
Lors de la saison_drüüü, on avait entendu CHANGE L’ÉTAT D’AGRÉGATION DE TON CHAGRIN. Première pièce de l’auteure, trop courte des jambes a été primée en 2013 par le prestigieux Prix d’écriture dramatique de Mülheim. Manon Krüttli s’attaque depuis le début de sa jeune carrière aux écritures Everest avec dextérité et inventivité (Sébastien David, Guillaume Poix, Marguerite Duras, Guillaume Dustan) et recherche, fouille l’intime et l’écriture de soi. C’est elle qui va gravir ce texte spéléologique, parce qu’elle sait extraire de l’humour et de la réflexion de ces terrains rugueux et ardus. Parce qu’elle sait faire entendre le difficile comme si on cueillait des pâquerettes.
L’intro du dirlo: