ENTRETIEN AVEC YANN REUZEAU


ENTRETIEN AVEC YANN REUZEAU
 

par Emily Jokiel

 

 

Pourquoi avoir écrit sur le monde de l'entreprise, des Scop en particulier ?


Parce que c'est un environnement que je ne connais pas. L'envie d'explorer de nouveaux domaines est souvent le point de départ du processus d'écriture chez moi. J'ai choisi de m'intéresser aux Scop parce que c'est un type de structure différent des autres, assez peu développé et méconnu. Cela bouleverse un certain nombre de représentations, notamment celle qui sépare et oppose le patron de ses employés. Travailler dans une Scop change beaucoup de choses à l'investissement des gens dans l'entreprise, à leurs vies en général.

 

Est-ce inspiré d'une histoire vraie ?


Non, je ne suis pas parti d'une expérience vécue. Je me suis documenté, j'ai regardé Entre nos Mains, un documentaire de Mariana Otero sur le sujet, j'ai rencontré la directrice de l'Union Générale des Scop, des gens qui travaillaient dans ce type de société... J'écris plutôt des fictions, pas la biographie d'un tel ou d'un tel.

 

Outre le monde de l'entreprise, y a-t-il un autre thème que tu as voulu développer dans Mécanique Instable ?


Non. J'ai juste voulu écrire sur le rapport des gens au travail, rapport qui varie selon chaque individu. Le travail prend une place énorme dans la vie de tout un chacun. On passe la moitié, voire les trois quarts de son temps au bureau. Pour certain, le travail est une chose qui a énormément de valeur, qui donne du sens à l'existence, tandis que pour d'autres, la vie commence après le travail. J'ai la chance de faire un travail qui me passionne, ce n'est pas le cas de tous. C'est ce rapport multiple et complexe que j'ai voulu interroger.

 

À la lecture de la pièce, j'ai eu l'impression d'une sorte de pessimisme vis à vis des Scop, comme si ce système n'était pas viable.


Non, non, surtout pas. Je me suis efforcé d'avoir le point de vue le plus nuancé possible, de ne pas être moralisateur. La Scop a ses qualités et ses défauts. C'est un système démocratique mais cela pose aussi des problèmes, notamment au niveau de la prise de décision, d'autant plus qu'en temps de crise c'est à des dilemmes assez douloureux qu'on est confronté, comme choisir entre laisser couler la boîte ou virer des copains.

 

Comment se situe ce spectacle par rapport à tes anciennes pièces ? Y a-t-il un changement de ton, de style ou autre innovation ?


La forme est différente de Chute d'une Nation, ma dernière pièce, qui était une série théâtrale. Mais globalement, Mécanique Instable est dans la droite ligne de ce que j'ai fait auparavant, c'est à dire une pièce traitant un sujet de société et mettant en scène des personnes dans une situation déstabilisante.

 

Est-ce un vieux projet ?

 

Le monde de l'entreprise me fascine depuis longtemps car j'en suis très éloigné. Je n'ai jamais travaillé dans un bureau. Un comptable, une secrétaire me fascinent. Après, il me fallait aussi choisir un angle, sinon je risquais d'enfoncer des portes ouvertes. Cette histoire de société transformée en Scop était mon angle.


 

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