LA MUE DE ROMAIN GARY


LA MUE DE ROMAIN GARY
 

« Il me faut, à présent, tenter de m’expliquer « en profondeur ».  J’étais las de n’être que moi-même… Recommencer, revivre, être un autre fut la grande tentation de mon existence… La vérité est que j’ai été très profondément atteint par la plus vieille tentation protéenne de l’homme : celle de la multiplicité. Une fringale de vie, sous toutes ses formes et dans toutes ses possibilités que chaque saveur goûtée ne faisait que creuser davantage… Dans un tel contexte psychologique, la venue au monde, la courte vie et la mort d’Émile Ajar sont peut-être plus faciles à expliquer que je ne l’ai d’abord pensé moi-même.

C’était une nouvelle naissance. Je recommençais. Tout m’était donné encore une fois. J’avais l’illusion parfaite d’une nouvelle création de moi-même, par moi-même. »

 

Vie et mort d’Émile Ajar, Romain Gary, 1981

 

 

« Gros Câlin est le premier livre de Gary écrit sous le nom d'Ajar et ce qui est bouleversant, c'est l'énergie extraordinaire que Gary a déployée pour accomplir cette métamorphose. C'est-à-dire pour changer de style d'écriture. J'ai envie que notre spectacle ne raconte pas seulement  l'histoire d'un monsieur qui cherche «  quelqu'un à aimer » et qui vit avec son python, mais que ce soit l'écrivain Gary qui fasse sa mue sous nos yeux en inventant de façon assez folle, il faut bien le dire, cette façon de penser et de parler, en même temps comique et désespérée. […]

 

Romain Gary dit avoir été influencé par Borges, Pirandello, Kafka… Et je retrouve ces univers où on se perd dans des dédales cauchemardesques et tragi-comiques. Dans plusieurs interviews, il parle de l'humour du désespoir... Gros-Câlin est une fable humoristique […]

 

L'acteur ici pour moi est un animal dans un zoo, et la cage de scène du théâtre est la cage du zoo. Puisque tout se passe dans la tête non seulement de Gary mais de M. Cousin, tout est possible. […]»

 

Bérangère Bonvoisin, notes d’intention

 

 

« M. Cousin est un personnage qui me touche vraiment beaucoup : il a un désir d’anonymat et, dans le même temps, souffre de la solitude. Un peu comme un artiste qui aurait à la fois besoin d’être à distance des autres pour créer et qui aurait du mal à supporter son isolement…

J’aborde ce personnage avec beaucoup de tendresse, en m’arrêtant sur chaque phrase, en creusant chaque détail de son existence, de son caractère. Gros-Câlin se situe en permanence sur un fil tendu entre drôlerie et profondeur, humour et désespoir. Je crois que la drôlerie du personnage de Romain Gary vient essentiellement de la manière qu’il a de voir les choses qui lui arrivent. M. Cousin est un homme qui prend ses rêves pour des réalités, notamment en ce qui concerne les relations amoureuses. C’est un homme qui rêve, un homme qui fantasme… Je prends énormément de plaisir à m’identifier à lui. »

 

Jean-Quentin Châtelain, La Terrasse no 214, 25 octobre 2013


 

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