LES COMBATS D’UNE REINE DE GRISÉLIDIS RÉAL


LA REINE DU THÉÂTRE


LES COMBATS D’UNE REINE


TÊTE-À-TÊTE AVEC FRANÇOISE COURVOISIER


UN CHŒUR FÉMININ FAIT BATTRE LE CŒUR D’UNE PUTAIN


"LES COMBATS D'UNE REINE" AU POCHE


LE POCHE À PARIS: EXTRAITS DE PRESSE


LE POCHE À AVIGNON: EXTRAITS DE PRESSE


LES COMBATS DE GRISÉLIDIS RÉAL


UNE FEMME DIGNE, SUBLIME, INSOUMISE


LES COMBATS D’UNE REINE DE GRISÉLIDIS RÉAL
 

Léa Déchamboux, R.E.E.L, 26 novembre 2014

 

On ne vivra jamais assez avant de crever.


Jusqu’au 30 novembre, Françoise Courvoisier reprend sa pièce Les Combats d’une Reine, créée en 2010 à Avignon. La pièce raconte trois étapes fondamentales de la vie de Grisélidis Réal, une personnalité qui a marqué les esprits à Genève. Une femme hors du commun portée par trois comédiennes magnifiques et emplies de vitalité. Chacune incarne, en alternance, un combat propre à une période de la vie de l’écrivaine et prostituée.

 

Elodie Bordas est Grisélidis à 35 ans, alors qu’elle est se trouve en prison en Allemagne pour trafic de drogue. La jeune comédienne incarne Grisélidis avec fraîcheur et ferveur. Balancée entre le désespoir de la solitude et l’espoir de sa prochaine libération, elle occupe son quotidien en redécorant sa cellule aux airs « tziganes », revit au travers des livres de Tchekhov, Flaubert ou encore Montaigne et grâce aux promenades quotidiennes, moments où elle se « sent un peu heureuse ».

 

C’est Françoise Courvoisier elle-même qui incarne une Grisélidis militante, en pleine lutte pour son métier et contre les préjugés. Elle décrit ses clients et ses activités avec une précision déconcertante et un langage particulièrement cru. Elle évoque le « troupeau » d’hommes de son fameux carnet noir – le cochon de campagne, l’allumette, le nain sicilien ou encore la brute, pour n’en citer que quelques-uns – et défend sa profession avec ardeur et fierté.

 

Judith Magre, finalement, incarne une Grisélidis émouvante qui, atteinte du cancer, se bat contre la maladie, et pour la vie, avec dérision, cynisme et lucidité – sa tactique étant « l’indifférence absolue ». Elle se montre révoltée contre le système et « cette planète à feu et à sang », elle qui n’espère qu’« aimer, aimer, aimer… ». À septante-cinq ans, elle tombe même amoureuse d’un jeune homme : il n’y a définitivement pas d’âge pour tomber amoureux, ce que j’ai trouvé particulièrement touchant…

 

Ces trois périodes de sa vie montrent une Grisélidis Réal insurgée et combattante, toujours du côté de l’amour et de la vie. À tout âge, elle résiste grâce aux petits bonheurs de la vie, comme s’acheter un petit sapin de Noël électrique pour illuminer ses derniers jours. En résumé, Grisélidis Réal, c’est un combat pour la vie.

 

Sur ma tombe, je veux qu’on inscrive écrivain, peintre et prostituée… en majuscules !


Françoise Courvoisier propose une adaptation émouvante et remplie d’humour qui reflète un attachement particulier à Grisélidis Réal. Le public est parfois pris à parti et est amené à réfléchir sur le statut et le métier des prostituées – plus particulièrement lorsque Françoise Courvoisier s’empare d’un micro, demande qu’on allume la salle et pose la question suivante au public : « qu’est-ce qu’il vaut mieux prostituer, son cul ou son âme ? » Des regards gênés ou des rires extravagants se mélangent, montrant de toute évidence un léger malaise dans le public. Il arrive qu’un spectateur s’aventure à donner une réponse, mais le plus souvent, c’est la comédienne elle-même qui répond à la question : « son cul évidemment ! » laissant le public en proie à ses réflexions…


 

LA REINE DU THÉÂTRE
 

Jean-Jacques Roth, Le Matin Dimanche, 16 novembre 2014

 

Destin - Judith Magre revient à Genève pour « Les combats d’une reine », de Grisélidis Réal. Cette comédienne a tout joué avec un égal bonheur.

 

Au Théâtre de Poche de Genève, Judith Magre reprend « Les combats d’une reine ». Elle y est Grisélidis Réal, la célèbre prostituée genevoise qui fit de son métier un combat et de sa vie un objet d’écriture. Elle dit les textes de la femme âgée, malade d’un cancer contre lequel elle engage toutes ses forces, à côté de la Grisélidis jeune, emprisonnée à Munich et enragée (Elodie Bordas), et de la Grisélidis quinquagénaire, prostituée, fière de l’être et militante, que joue Françoise Courvoisier, à l’origine de ce montage de textes qu’elle met en scène.

Comment Judith Magre s’est-elle enrôlée sous la bannière de ce spectacle qu’elle a joué d’abord à Avignon en 2010, Puis au Poche en 2011, qu’elle a repris à Paris ces deux derniers mois avant de revenir à Genève, chaque fois encensée ?  « Mais parce que Françoise Courvoisier me l’a proposé. Son enthousiasme m’a conquise. Je lui ai dit oui sans lire le texte. » Grisélidis Réal, ses croisades, son destin hors du commun ? « Je me fiche qu’elle ait été la catin de la République. Pour moi, c’est un rôle comme n’importe quel rôle. Un texte de théâtre, ce sont des mots à dire, pas un personnage à reconstituer. »

 

« Mon prof disait : « Voyez, cette conne ! »

 

Judith Magre est la souveraine menue d’une carrière théâtrale sans pareille : plus de cent pièces, les plus grands auteurs, les meilleurs metteurs en scène, six festivals d’Avignon de rang dans les années de légende dirigées par Jean Vilar. Mais rien ne lui est monté à la tête. Elle n’a pas eu de formation, hormis trois mois du cours Simon où elle n’a pas ouvert la bouche. « Simon disait aux élèves : « Voyez, cette conne ! » Mais c’est lui qui m’a trouvé mon premier contrat. »

Pourquoi a-t-elle quand même choisi le théâtre ? « Je n’en sais rien. Ma première entrée en scène, je n’arrivais pas à bouger à cause du trac. Le régisseur m’a poussée et je me suis étalée sur le plateau. Les gens ont ri, ils ont pensé que c’était dans la mise en scène. Alors j’ai su que je ne quitterais plus ce lieu. Pourtant, j’étais introvertie et moche ».

Après cela, elle a tout joué. La tragédie et le boulevard, Eschyle et Jacques Chazot, avec cette indifférence au qu’en dira-t-on qui est sa signature. « Les gens sont timorés, ils ont peur pour leur réputation. Moi je m’en fous. J’ai toujours été très libre. » Elle a changé son nom, Simone Dupuis, pour devenir Judith Magre. « Magre pou rester maigre ! » Et Judith ? La question suspend la conversation : ce mystère, la comédienne ne l’a jamais levé. On y devine le poids d’un serment de loyauté familiale.

Pour le reste, cette insoumise n’a rien cherché, rien provoqué, aucun rôle en particulier : « C’est l’envie des autres qui m’a donné envie de faire les choses. » Et son instinct l’a-t-elle trompée ? « J’ai joué des trucs pas formidables, mais souvent l’équipe ou le théâtre était extraordinaire. On rit, avec les acteurs. Ce sont de grands bébés qui n’ont pas honte de l’être.

 

Giacometti, Sartre, Barrault…

 

Judith Magre a connu du beau monde. A donner le tournis. « Max Ernst m’a appris la valse, j’ai partagé des nouilles avec Giacometti, Céline m’a donné son chien. » Avec le cinéaste Claude Lanzmann qui fut son mari pendant huit ans, elle était l’amie de Sartre et de Simone de Beauvoir. « On se retrouvait chez eux après les spectacles, on mangeait du jambon et des œufs en buvant du whisky. Les gens brillants sont les plus compréhensifs, ils parlent naturellement, contrairement aux cons prétentieux. »

Elle n’a connu ni Dieu ni maître, mais elle se souvient de figures lumineuses. « Jean-Louis Barrault était un être absolument génial. Il vous communiquait l’envie de jouer, l’envie de vivre, »

- Pour l’appétit de vie, vous paraissez servie !

- Détrompez-vous ! Je suis une dépressive qui rigole. Je peux passer des journées à ne rien faire, comme Oblomov. Je ne suis pas bavarde. Je n’ai rien à dire.

- En tout cas, la vie vous aime…

- J’ai de bons gènes, j’ai une arrière-grand-tante de 112 ans, une tante de 102 ans. Mais je ne veux pas atteindre cet âge-là. Les vieux sont moches. Et puis, la vie est une horreur, les gens n’arrêtent pas de souffrir. J’ai besoin du théâtre, sinon je m’ennuie. C’est ma gymnastique, mentale et physique. Si le théâtre s’arrêtait, je deviendrais sourde, aveugle et bossue le lendemain. Je me flinguerais.

Ça ne risque pas, Judith Magre a un agenda de star. Déjà, elle répète sa prochaine pièce à Paris, pour le printemps 2015. Et pourtant, la scène reste une souffrance pour cette femme qui y a passé sa vie. « J’ai un trac épouvantable, depuis toujours. Les premiers jours d’un spectacle, c’est horrible, j’ai le cœur qui bat, mon corps ruisselle de sueur. Et 50% du trac, c’est la peur du trou de mémoire. Tous les comédiens sans exception vous le diront. »

 

Les gris-gris

 

Son meilleur ennemi va la reprendre dès demain, à l’orée des « Combats d’une reine » qu’elle a pourtant joués plus de cent fois. Elle s’y prépare avec ses gris-gris : « Je dois toujours porter quelque chose de rouge, un bijou, un tissu, en général ma culotte ! C’est une couleur qui me chauffe. J’avais un parfum fétiche, crée pour moi par un ami. Des Américains ont changé la formule, ils ont mis un truc chimique à la place d’une plante et ce n’est plus du tout pareil. J’en garde un flacon dans ma loge par superstition. »

Et qu’ira-t-elle chercher en elle pour dire les mots d’une prostituée, ses joies et ses douleurs ? «Je le dis sans jugement moral, mais ce n’est nulle part en moi. S’il y a une chose que je n’aurais jamais faite, c’est prostituée. Je ne peux pas imaginer faire l’amour avec un homme que je n’aime pas. » Non : elle fera simplement son métier, comme toujours. « Il ne faut pas croire que les comédiens, ça carbure. En tout cas, pas moi. On a des mots à dire, on les dit. Le vécu, il transparaît de toute manière. On me dit souvent que les rôles que je joue paraissent avoir été écrits pour moi. Je ne me reconnais pas du tout ce talent. Mais c’est peut-être parce que je me pose peu de questions. »

Judith Magre reste surprise par les gens qui viennent à elle prosternés devant le monstre sacré. Ses centaines de pièces, de films, ses trois Molière, les triomphes du public et de la critique n’ont pas entamé son scepticisme. Une vois en elle répète : « Qu’est-ce qui leur prend ? » Mais elle est flattée lorsque, dans le bus, un passager lui souffle : « On vous aime beaucoup. » « Ça me réchauffe », dit-elle. Avec une modestie de jeune fille.


 

LES COMBATS D’UNE REINE
 

Catherine Robert, La Terrasse, 25 septembre 2014 - N° 224

 

La prison, le trottoir, la maladie : Françoise Courvoisier retrace la vie et les combats de Grisélidis Réal en confiant l’excellente adaptation de ses textes à trois comédiennes éblouissantes.

 

Jolie, parce que tendre encore, à l’aube du personnage que la vie façonnera, Grisélidis est en prison, en Allemagne. Belle, parce que les combats ont commencé de l’aguerrir et qu’être maîtresse universelle l’a faite maîtresse femme, Grisélidis est devenue péripatéticienne et écrivaine, grande connaisseuse de l’âme humaine et militante du droit des catins à faire métier de leur corps. Sublime, au crépuscule d’une existence qui a choisi la liberté comme étendard, elle se bat contre le cancer qui la met enfin sur le flanc. Allongée, souvent ; couchée, jamais. Françoise Courvoisier incarne l’étape intermédiaire, celle de la maturité politique. Elle confie à Elodie Bordas, dont la joliesse égale la fraîcheur, le temps de la prison et des choix primordiaux. Elle offre à Judith Magre l’occasion de déployer son merveilleux et hallucinant talent dans l’ultime flirt avec la mort. Sur la scène que découpent les lumières d’André Diot, les trois comédiennes prennent tour à tour la parole, dressant le portrait fascinant de la reine des putains.


Le trottoir tient le haut du pavé

 

Grisélidis Réal exigea qu’on inscrive sur sa tombe : « écrivaine, peintre et prostituée ». Depuis 2009, elle repose au Cimetière des Rois, à Genève, ville encore empreinte, quand elle y faisait commerce de ses charmes, du quintuple adage calviniste, que résume Zweig dans Conscience contre violence : exister, mourir, travailler, obéir et aller à l’église. Grisélidis Réal lutta toujours contre la bêtise folle et cruelle du grand enfermement : la prison, les préjugés, la relégation symbolique. Elle, qui vendait de l’amour, actualisa l’évidence que ce qui fait la différence entre une pute et une bourgeoise, c’est que l’une offre contre de l’argent ce que l’autre troque contre des avantages en nature. Pour le reste, la seule chose qui vaille est le talent, et l’artiste n’en manquait pas. Sur ce point, Françoise Courvoisier est à la hauteur de celle à laquelle elle rend hommage. Sa mise en scène orchestre élégamment la distribution de la parole entre les trois âges de la vie, et son interprétation est percutante et émouvante. De même, le jeu d’Elodie Bordas est juste, poignant et attendrissant. Et, évidemment, mais il faut redire les évidences, Judith Magre règne sur la scène, en vieille sphinge malicieuse et drôle, parvenue à un degré de maîtrise de son art qui force l’admiration.


 

TÊTE-À-TÊTE AVEC FRANÇOISE COURVOISIER
 

Jean-Blaise Besençon, L’Illustré, 19 novembre 2014

 

Chaque semaine, «L’illustré» rencontre une personnalité au cœur de l'actualité culturelle romande. Aujourd'hui, la comédienne Françoise Courvoisier, qui se souvient de Grisélidis Réal.

 

Initiée très jeune à la montagne et à la varappe par son père, Françoise Courvoisier aime toujours la marche, «l’adrénaline particulière qu’elle procure. Il y a des mots, des idées qui viennent… Evidemment, il faut marcher quelques heures avant que ça arrive!» Vive, dynamique, la comédienne me rattrape dans l’escalier qui, à travers la vieille ville de Genève, grimpe jusqu’à «son» théâtre, Le Poche, une institution créée en 1948 et dont elle est la septième directrice jusqu’au mois de juin prochain. «Pour boucler la boucle», elle reprend les combats d’une reine, troisième spectacle qu’elle a consacré à Grisélidis Réal (1929-2005), «écrivain, peintre et prostituée» ainsi qu’il est noté sur sa tombe du cimetière des Rois, à Plainpalais.

Sur scène, Elodie Bordas, Judith Magre et Françoise Courvoisier incarnent côte à côte la célèbre péripatéticienne à partir de ses mots, trois livres rédigés à trois âges de sa vie. A 35 ans, Grisélidis, abandonnée par son amant, privée de ses quatre enfants, écrit depuis la cellule d’une prison en Allemagne. A 70 ans, elle se bat contre le cancer, «et sa maladie lui a donné une formidable pulsion de vie. A son anniversaire, elle dansait comme une jeune fille.» Et puis à 50 ans, tandis qu’elle poursuivait à la fois son commerce et son combat pour le respect de son métier et de celles qui l’exercent. «C’est une formidable parole de théâtre», dit Françoise Courvoisier, qui l’incarne durant cette période du début des années 90, où les deux femmes se sont rencontrées et sont devenues amies.

«Ses joies, ses peines, ses révoltes qui sont toujours restées les mêmes, sa générosité aussi... Grisélidis vit tout de manière extrêmement forte, c’est ce qui la rend bouleversante... Je parle d’elle comme si elle n’était pas morte.» Passe un voile d’émotion dans les grands yeux bruns de la comédienne. «Les soirs où le spectacle est bon, j’ai l’impression qu’elle est vivante.»

 

En juin prochain, Françoise Courvoisier cédera donc à Mathieu Bertholet la direction du théâtre qu’elle assume depuis 2003. «Douze ans, c’est un beau chiffre, et c’est un aboutissement. Je ne me suis pas beaucoup reposée, je n’ai pas souvent pris de vacances, on ne s’arrête jamais dans ce métier. Comme directrice de théâtre, c’est la moindre des choses de faire du 120%!» Entre la représentation du soir et la suite du programme, Françoise Courvoisier n’a pas encore agendé de grands projets d’avenir. Sinon quatre mois «vraiment seule» à Cordes-sur-Ciel, village joliment perché du côté de Toulouse. Avec du temps pour écrire. «Ça pourrait s’appeler les heures souterraines, ces moments où l’être humain fait sa mue.»

--------------------------------------------------------------------------------


 

UN CHŒUR FÉMININ FAIT BATTRE LE CŒUR D’UNE PUTAIN
 

Katia Berger, Tribune de Genève, 19 novembre 2014

 

En guise de révérence avant de quitter la tête du Poche, Françoise Courvoisier reprend ses « Combats d’une reine » créés en 2010

 

Difficile d’imaginer plus pure que Grisélidis Réal. Plus fidèle à elle-même. Plus honnête aussi, dotée d’un cœur plus grand. Et si vous estimez que ces qualités entrent en contradiction avec son état de putain (« écrivaine, peintre et prostituée », lit-on sur sa tombe au cimetières des Rois), c’est seulement que de rances préjugés vous encombrent encore l’esprit.

 

Pour dissiper les idées reçues, on gagnera à faire un tour du côté du Poche, en Vielle-Ville. Là, ce n’est pas une, mais trois femmes éprises de liberté qui chantent la rage de vivre et le courage de penser la militante pour les droits des filles de joie. Une pour chaque âge d’une existence charriée par un torrent que rien n’arrête. Une pour donner voix à ses principaux écrits – Suis-je encore vivante ?, La Passe imaginaire, Les Sphinx -, chacun recoupant une face de ses combats, une arête de sa ténacité, un angle de sa gouaille blasphématoire. Combat pour sa dignité lorsque à 35 ans elle est en prison pour trafic de marijuana ; combat politique lorsque à 50 elle justifie le travail du sexe ; et combat pour la survie quand à 70 ans elle enchaîne les chimiothérapies sans que celles-ci n’entament sa faculté à jouir.

 

Pour Françoise Courvoisier, qui signe la mise en scène de ces Combats d’une reine dont elle interprète les pages les plus coquines, c’est une passion qui dure. Éprise de figures marginales, elle fut la première à porter l’œuvre de Réal sur la scène, en 1993 déjà, avec Grisélidis. Plus tard, elle adapte Les sphinx du macadam. Aujourd’hui, elle conclut ses douze ans de programmation au Poche en reprenant le succès qui parachève sa loyauté à la tapineuse genevoise. À ses côtés, une fervente Elodie Bordas, à peine oblitérée par l’ombre de ses aînées. Et surtout la souveraine Judith Magre en ex-déesse du trottoir.

 


 

"LES COMBATS D'UNE REINE" AU POCHE
 

Valérie Debieux, Lagalerielittéraire.com, 23 novembre 2014

 

«Je crois à la liberté. Pouvoir dire merde. Vous ne pouvez pas savoir la liberté qu’on a quand on est tout en bas de l’échelle. Rien à gagner, rien à perdre. Être nomade, pieds nus dans le sable, habillée de vent et de poussière».

Grisélidis Réal, La Passe Imaginaire

 

Les portes de la salle de théâtre s’ouvrent, les spectateurs se glissent entre les rangées de fauteuils, prennent place, échangent quelques mots, et, soudain, dans la pénombre apparaissent trois femmes. Elles prennent possession de la scène : la plus jeune comédienne (Élodie Bordas) s’assied à proximité d’une valise ; la plus âgée (Judith Magre) prend possession du centre de la scène, assise derrière un bureau ; crayon en main, en train de griffonner sur un petit calepin, et enfin, la troisième (Françoise Courvoisier) prend place sur un tabouret de bar, derrière une petite table ronde, abritant une bouteille de vin et un verre. Murmures dans la salle. La scène observe le public. Elle l’écoute, elle le jauge tel un phénomène d’induction interactive. Quelques minutes s’écoulent ainsi, et le spectacle commence… Trois comédiennes pour retracer le destin d’une seule femme, celui de Grisélidis Réal, célèbre prostituée genevoise, écrivaine et artiste peintre.

 

A trente ans, Grisélidis, condamnée pour trafic de marijuana est emprisonnée en Allemagne. Ses neuf mois d’incarcération, elle les narre de façon détaillée et crue, sans oublier cependant les personnes qui vont la soutenir et lui apporter du réconfort, alors qu’elle est privée de ses deux enfants et que son compagnon la laisse sans nouvelles.

A cinquante ans, Grisélidis exerce, dans la cité de Calvin, son métier de prostituée. Elle tient un carnet détaillé, indiquant de façon précise les noms et les manies de ses clients auxquels elle attribue des surnoms à la fois évocateurs et pleins de tendresse.

A soixante-dix ans, au crépuscule de sa vie, Grisélidis doit encore se battre. Un cancer a pris possession de son ventre ; elle aime toujours autant la vie et l’être humain. Le regard est demeuré intact, l’œil toujours aussi vif et pétillant, le mot caustique et plein d’humour.

 

Grisélidis, un prénom aussi peu ordinaire que lourd à porter : comment ne point songer aux souffrances endurées par la jeune bergère, Grisélidis, dans le conte de Charles Perrault intitulé «La Marquise de Salusses ou la Patience de Grisélidis» ? Certes, leur parcours n’a rien de commun, sauf à considérer que la première fit montre de la même patience que la seconde à l’égard des épreuves de l’existence…

Grisélidis Réal, c’est l’humanité incarnée : elle projette sur ses clients un regard compatissant et leur accorde une écoute attentive, pleine de lucidité. Un service social ne saurait faire mieux. Ses propos sont entiers et sans détour ; ils claquent comme une pinte de bière posée sur le comptoir. Grisélidis, c’est aussi la militante, celle qui assiste aux meetings et aux manifestations en faveur des péripatéticiennes.

«Les Combats d’une reine», une pièce flamboyante, intelligente, drôle et émouvante, avec des comédiennes talentueuses, pleines de vie, à l’énergie contagieuse.

Un panégyrique d’une grande beauté…


 

LE POCHE À PARIS: EXTRAITS DE PRESSE
 

-------------------------------------------------------------------------------

Catherine Robert, La Terrasse, 25 septembre 2014 - N° 224

 

Françoise Courvoisier est à la hauteur de celle à laquelle elle rend hommage. Sa mise en scène orchestre élégamment la distribution de la parole entre les trois âges de la vie, et son interprétation est percutante et émouvante. De même, le jeu d’Elodie Bordas est juste, poignant et attendrissant. Et, évidemment, Judith Magre règne sur la scène, en vieille sphinge malicieuse et drôle, parvenue à un degré de maîtrise de son art qui force l’admiration.

 

------------------------------------------------------------------------------

Gilles Costaz, Théâtral magazine, septembre-octobre 2014

 

(…) L’adaptation saisit bien tous les aspects d’un personnage passionnant, pute non soumise en guerre avec l’ordre social et religieux. Et les trois actrices font bien claquer cette langue crue et vraie. En Grisélidis livrant ses derniers combats contre le mal et l’hypocrisie, Judith Magre, dans une tenue façon panthère, est somptueuse, passant des coups de griffe à l’ironie royale au chant intérieur où se côtoient la bonté et le désespoir.

---------------------------------------------------------------------------------------

 

Philippe Chevilley, Les Échos, 1er septembre 2014

 

Qui d’autre que Judith Magre, artiste exceptionnelle à la jeunesse inoxydable, pouvait le mieux incarner cette putain magnifique au crépuscule de sa vie ? La comédienne met son naturel, son ironie mordante, et son humanité au service de ce rôle complexe et provoquant. (…) On entend très bien ce texte à la fois salé, émouvant, libertaire et poétique : une ode au sexe libéré, aux amours « borderline », aux « bad girls » et aux sans-grade :

--------------------------------------------------------------------------------------

 

ARTKULT.FR, 31 août 2014

 

Les textes de Grisélidis Réal sont une analyse de l’humain sans concession. Activiste, combattante, c’est elle qui mène à Paris la « Révolution des prostituées » en 1975, se battant pour que ce métier soit désormais reconnu. Sur scène, on la voit se désoler de l’effroyable retour en arrière voulu par Sarkozy, alors ministre de l’intérieur au début des années 2000, et du délit inventé de « racolage passif ». Elle fustige ainsi l’hypocrisie des politiques : difficile de ne pas faire de lien avec les discours du pouvoir en place aujourd’hui…

-------------------------------------------------------------------------------------------

 

Denis Sanglard ,Un fauteuil pour l’orchestre – Le site de critiques théâtrales parisien, 4 septembre 2014

 

Judith Magre est impériale, oui, et s’empare de Grisélidis Réal avec le même appétit d’ogresse que celle qu’elle incarne. Drôle, farouche, incurable qui, implacable, scrute l’évolution de son cancer et pourtant terriblement, follement, joyeusement vivante. Fragile aussi mais forte de cette lucidité, de cette ironie imparable qui ne lui fait rien épargner pas même elle. Sans pathos ni sensiblerie à l’image de celle qui «ne voulait pas se rendre» Judith Magre dessine un portrait saisissant, obstinément dans l’instant sans refuser l’échéance inévitable mais chargée du poids d’une vie «à suivre son instinct».

--------------------------------------------------------------------------------------------------

 

Cécile Maslakian, Rhinoceros, la critique à la dent dure, 9 septembre 2014

 

Grisélidis Réal a eu plusieurs vies et mené bien des combats. Écrivaine, peintre et prostituée suisse, elle fut avant tout une femme libre à la vie et l’œuvre étroitement liées. Les Combats d’une reine éclaire son incroyable parcours dans un texte rageur, frondeur et cru d’où se dégage un mélange de lucidité criante et d’innocence désarmante.


 

LE POCHE À AVIGNON: EXTRAITS DE PRESSE
 

« Une reine, Grisélidis l’a sûrement été. Des reines, ces trois comédiennes le sont tour à tour dans l’implication qu’elles mettent à restituer avec profond respect la vie hors norme de cette éperdue de liberté. » Avignews.com, 23 juillet 2010


« Les trois comédiennes sont saisissantes de vérité, les enchaînements rapides d’un âge à l’autre en fonction des réparties, nulle chronologie, une simple recherche d’authenticité. » La Marseillaise, 30 juillet 2010

 

« Une pièce où résonnent sa révolte, l’anti-conventionnalisme, son humour, sa rage et son extrême appétit de vivre. » La Terrasse, juillet 2010

 

 

« Une femme digne, sublime insoumise. L’actrice, le modèle, une rencontre superbe. »

Les Temps Modernes, septembre-octobre 2010

 

 

« À la sortie d’un spectacle aussi fondamentalement théâtral, parce qu’assumé dans l’immédiateté incarnée du dire, on se découvre encore étonnamment une soif énorme de lecture... » Scènes Magazine, août 2010, Julien Lambert

 

 

« Les comédiennes se passent les confessions à la fois lumineuses et querelleuses de la diva des rues.(…) Les Combats d’une reine raconte avec tact la singularité de cette « écrivaine, peintre et prostituée. » Le Temps, 11 mars 2011

 

 

« Glauque ? Non, poétique. Car si l’humour est la politesse du désespoir, l’écriture de la Réal y ajoute un art de transformer le réel. Procédé familier à un autre écorché comme Jean Genet. » Le Courrier, 12 mars 2011

 

 

« Judith Magre joue la p… respectée sur la scène du Poche. La comédienne campe une Grisélidis Réal inoubliable. » La Tribune de Genève, 16 mars 2011


 

LES COMBATS DE GRISÉLIDIS RÉAL
 

Sandra Fleury, Nouvelles.ch,  4 novembre 2014

 

Personnage genevois légendaire, Grisélidis Réal aura marqué les esprits par-delà nos frontières. Tour à tour écrivaine, peintre et prostituée, cette femme hors du commun a vécu une existence passionnante que le théâtre Le Poche nous propose de découvrir du 17 au 30 novembre prochains.

 

La Suissesse Grisélidis Réal a longtemps vécu à Paris, terre d’adoption qui lui consacrera de nombreux articles élogieux à son décès en 2005. Ecrivaine de talent, cette femme au parcours de vie exceptionnel, et à juste titre anti-conventionnel, aura conquis les uns et suscité bon nombre de controverses auprès des autres. Françoise Courvoisier sera la première metteure en scène à porter ses textes à la scène en 1993. Elle nous livre aujourd’hui trois tranches de vie du personnage emblématique dans Les combats d’une reine.

 


Un coup de coeur

 

Suite à la parution d’une lettre de Grisélidis Réal à Jean-Luc Hennig dans un journal, Françoise Courvoisier fait la connaissance de l’écrivaine. «Rencontre déterminante, confie la metteure en scène. Nous sommes devenues amies, malgré le fossé inévitable qui séparera toujours une bourgeoise d’une prostituée, toute intellectuelle qu’elle puisse être. J’ai toujours été très fière de cette amitié. Depuis, on ne compte plus les spectacles qui s’inspirent de son oeuvre! Grisélidis était un personnage totalement irrésistible. En face d’elle, les masques tombaient. Je me souviens de son franc parler, de son incapacité à être hypocrite, voire conciliante. Elle était intransigeante, c’est pourquoi elle était si seule aussi, bien qu’adulée par tant de personnes, tous sexes confondus…» Même à son décès, Grisélidis Réal suscitera encore la polémique. Il faudra d’ailleurs attendre quatre ans pour que son corps soit transféré au Cimetière des Rois, sanctuaire des «grandes personnalités genevoises».


Trois tranches de vie

 

Les combats d’une reine pose un regard sur trois étapes de vie de Grisélidis Réal, à commencer par la prison allemande dans laquelle elle est incarcérée pendant près d’un an, privée de ses enfants et abandonnée de son amant. C’est à ce moment qu’elle rédigera son journal de prison pour crier son désir viscéral de liberté (Suis-je encore vivante? publié en 2008). Puis, sa période de prostituée lorsqu’à 50 ans, elle partage les douleurs, mais aussi la dignité et la joie de celles qui exercent ce métier. Un combat remarquable pour la défense des droits des travailleurs et travailleuses du sexe. L’acte final traite du cancer qui ronge une Grisélidis Réal, alors âgée de 75 ans, plus belle, enragée et drôle que jamais.

 

Découvrez au Poche l’envergure de ce personnage vibrant d’authenticité, d’émotion et de passion, à travers ses écrits savoureux qui prennent tout leur sens sur les planches.


 

UNE FEMME DIGNE, SUBLIME, INSOUMISE
 

Micheline B. Servin, Les Temps Modernes, septembre-octobre 2010, n°660

 

 

[…] Portrait dans le vif d’une femme hors du commun, peintre, écrivain à la plume de haute volée et prostituée, amante passionnée de la vie et de la liberté qui puisa dans les blessures et les humiliations une force de lutte, Grisélidis Réal.

Intitulé avec pertinence Les Combats d’une Reine. Un entrelacement d’extraits de Suis-je encore vivante ?, Le Carnet Noir et Les Sphinx, qui rassemblent les lettres à Jean-Luc Henning de 2002 à 2005, où se ravivent des souvenirs. Trois épisodes dans les lieux suggérés par une valise, un comptoir de bar, une table bureau.

Magali Pinglaut pour le passage dans une prison allemande, la séparation inquiète d’avec les quatre enfants, le désir de peindre mais l’impossibilité. Françoise Courvoisier (qui signe la conception et la mise en scène) pour la prostitution et un inventaire des clients, la connaissance narquoise des travers et compatissante envers les démunis, les victimes de racisme. Elles sont justes, mais l’étincellement du regard aigu et de l’écriture jaillit de l’art et de la finesse d’interprétation de Judith Magre, formidable médiatrice vers Grisélidis Réal, alors atteinte d’un cancer contre lequel elle lutte et apprend à vivre, l’arme de l’humour pas rengainée, toujours féroce envers la médiocrité ; en rebelle lucide sur l’humaine condition, elle n’esquive pas l’avancée de la mort, menant une ultime lutte par révérence à la vie. Une femme digne, sublime insoumise. L’actrice, le modèle, une rencontre superbe.

 

L’insoumission, un mot oublié.


 

design Jean-Marc Humm, la fonderie | développement monoloco