LAPP, LE COMIQUE MALGRÉ LUI


L'ENSEIGNEUR AU POCHE


L’ENSEIGNEUR… UN SAIGNEUR ?


VOIR LE MONSTRE ET RIRE JAUNE


LAPP, LE COMIQUE MALGRÉ LUI
 

Katia Berger, La Tribune de Genève, lundi 16 juin 2014

 

 

Après avoir crevé l’écran dans Les grandes ondes, Patrick Lapp fait L’enseigneur au Poche. Des craques !

Rien, jamais, je n’assure que ce qu’il dit est vrai. Quelque chose dans le timbre de sa voix, un je-ne-sais-quoi dans son élocution, fait de son interlocuteur un éternel dupe. Le ton reste goguenard, même quand il se veut sérieux. L’art de Patrick Lapp, cet art qui l’a fait prospérer à l’antenne de la RSR comme sur les scènes de Romandie ? Vous amener à constamment douter de votre propre intelligence. « Mais ne me croyez pas ! rétorque-t-il si vous remettez en question sa parole. Admettez quand même que ce que je raconte est très plausible »…

Alors qu’il joue L’enseigneur sous la direction de Martine Jeanneret jusqu’au 19 juin au Poche, on soumet à l’oral cet humoriste né, ce séduisant croisement entre Buster Keaton et Rowan Atkinson.

 

Quel genre d’écolier étiez-vous, Monsieur Lapp ?

J’ai connu des études difficiles. Le directeur de l’école de Rolle, un capitaine de l’armée, pensait que je me moquais de lui et me filait des tartes. Sinon j’étais quelconque. Au Collège de Genève, j’ai eu un prof de latin champion d’échecs. Je jouais avec lui et j’ai obtenu d’excellentes notes en latin.

 

Qui vous a appris à rire ?

Le hasard. A partir du moment où je me suis dit : « Bon, j’assume ce que je suis », j’ai commencé à faire rire. C’est alors que j’ai rencontré Jean-Charles Simon, il y  a cent cinquante ans. C’était au resto, on était chacun aux deux bouts de la table, on s’est raconté des histoires et les autres se sont marrés. Un type de la radio nous a proposé de faire de l’antenne, on y est allé, ça a donné Acqua concert. Une chose pareille ne pourrait plus arriver aujourd’hui. Maintenant il faut être bardé de diplômes – ce qui ne veut pas dire que les animateurs ont plus de talent !

 

Quel est le secret de fabrication de l’humour Lapp ?

Le plus souvent, si les gens rient à mon humour un peu britannique, je suis surpris. J’amuse sans le savoir. Je ne le fais pas exprès, ça vient tout seul. « Ils rient pourquoi ? » je me dis. « Ah, c’est moi ? Je savais pas. » A la radio, la recette, c’est de savoir quel disque mettre après un trait d’esprit. Prenez « poil au nez ». Il s’agit de faire suivre ce trait fulgurant non pas par Patricia Kaas, mais par le Requiem de Mozart, ça relève le niveau. Mais rien n’est de la composition dans ce que je fais, je ne suis que moi. Je dis des choses vraies en laissant croire aux gens qu’elles sont fausses.

 

Comment est né le projet de monter (à Lausanne, en 2008) cet Enseigneur du Belge Jean-Charles Dopagne ?

C’est mon copain Lova Golotchiner qui m’a dit qu’il avait écrit une pièce pour moi. Dopagne avait écrit un autre spectacle, Prof, dans lequel j’ai puisé aussi, de sorte que la pièce ne ressemble plus trop à l’originale. C’est un mélange de vérité et de fantasmagorie sur la vie d’un enseignant. Il y a des tas de gens qui ont plein de connaissances, mais qui ont le gros défaut de ne pas savoir le communiquer. Comme l’ « enseigneur » dont il est question. Ce n’est pas parce qu’on aime quelque chose qu’on sait le communiquer.

 

Et qu’y a-t-il de commun entre une classe d’élèves et un public de spectateurs (d’auditeurs) ? Il faut tous les réveiller ?

Réveiller l’auditoire pour qu’il puisse apprendre quelque chose ? Quelle que soit l’histoire qu’on raconte, il s’agit de trouver les mots justes. Faire passer l’idée. Une classe, cela dit, c’est redoutable… Le métier de prof, c’est un vrai sacerdoce.

 

Cela dépend-il de la voix de l’orateur ?

C’est possible. Mais je crois qu’on l’a ou on ne l’a pas. Je ne suis pas sûr que ça s’apprenne. J’ai pris des cours de chant, jeune homme, j’aurais adoré chanter. Mais je suis baryton, comme tout le monde, il aurait fallu être ténor.

 

Vous tenez une douzaine de rôles dans ce seul-en-scène : une gageure ?

La prof a affaire à son proviseur, à ses collègues et il reproduit les dialogues échangés avec eux. Le résultat n’est peut-être pas bon, mais je ne dirais pas que c’est une gageure à jouer, non. Le plus difficile, c’est de se jouer soi-même. Jouer un autre, c’est facile.

 

Que vous reste-t-il de vos années brechtiennes auprès d’André Steiger ?

Sur scène il y a des moments où il faut arrêter de jouer. On devient spectateur de ses camarades de jeu. La distance, c’est aussi raconter une histoire triste sans avoir à pleurer, une histoire drôle sans avoir à rire soi-même. On faisait pas mal d’improvisation avec Steiger, j’adorais ça. Il y a des comédiens qui n’aiment pas jouer avec moi, car ils ne savent pas quand je vais m’arrêter. Moi, grâce à Steiger, je trouve facile d’attendre que l’autre ait fini de parler pour lui donner la réplique.

 

Et Bergamote avec Claude-Inga Barbey, ça appartient au passé ?

Ma partenaire a envie de faire autre chose, ce que je comprends. Mais je pense qu’on était plus forts tous les deux ensemble. Je ne sais pas si Bergamote est foutu ou pas, de toute façon, maintenant, je fais tellement de cinéma que je ne suis pas sûr de pouvoir continuer le reste ! Mais, oui, on peut dire que je regrette Bergamote

 

Votre premier rôle au cinéma, dans Les grandes ondes (à l’ouest) de Lionel Baier, vous a valu une nomination aux Prix du cinéma suisse… Une belle satisfaction ?

Ils sont fous. Je n’ai jamais fait de cinéma, moi, je suis parti comme ça à l’aventure. Mon premier film, et pan !, ils me choisissent. A Soleure, tout le monde me connaissait, mais moi personne.

 

Vous avez paraît-il menacé Baier de lui casser la gueule s’il ne vous faisait pas tourner dans ses prochains films !

Heureusement, il l’a fait de lui-même. Une nuit, il est venu me dire qu’il avait écrit un nouveau film pour moi. On a déjà tourné quelques  nuits en février, le reste se fera en juillet-août. Je joue le rôle principal, avec Carmen Maura. La vanité, c’est une manière légère de parler d’un sujet grave, le suicide assisté.

 

Le cinéma, c’est donc votre avenir ?

Si je suis nul, Lionel Baier ne me reprendra pas. Mais j’espère. Personne d’autre ne m’a proposé de rôle. Pas besoin de me croire si vous ne voulez pas, je n’ai reçu aucune proposition ! Pourtant, oui, je verrais bien mon avenir au cinéma.

 

Vous dites avoir « reçu une baffe en vous voyant si vieux à l’écran ». Vrai ?

Vous verrez quand vous aurez mon âge ! Quand j’ai visionné le film, après ma nomination, j’ai posé la question : « Le vieux, là, c’est qui ? » On m’a répondu : « C’est toi. » Voilà voilà… En jouant, on oublie de quoi on a l’air. Lionel a tablé là-dessus, c’est pourquoi il ne m’a pas laissé voire les rushes.

 

 

 

 

QUESTIONS FANTÔMES

La question que vous détesteriez qu’on vous pose ?

On m’en pose deux que je déteste : « Ça vous fait quel âge ? » et « Comment vous faites pour la mémoire ? » C’est systématique. Je réponds que j’ai l’âge de mes artères et j’ai des moyens mnémotechniques.

La question qu’on ne vous a jamais posée ?

J’aimerais qu’on me dise plus souvent : « Tu aimerais jouer dans mon prochain film ? » Heureusement, après Les grandes ondes, Lionel Baier me l’a à nouveau posée !

 

 

AUTOBIO EXPRESS

« J’ai commencé par faire six mois de droit et tout le reste de travers. Dans les années 60, vers 20-25 ans, j’ai bifurqué vers la scène : il y avait de très jolies filles. Elles se sont mariées et je suis resté seul avec le théâtre – François Rochaix, André Steiger. J’ai fait ensuite de la radio avec Jean-Charles Simon – mais on dû arrêter Acqua concert quand il a atteint l’âge de la retraite. Puis il y a eu Bergamote avec Claude-Inga Barbey. J’ai aussi eu deux filles, en 1982 et en 1992. Et l’an dernier, j’ai fait mes débuts au cinéma avec Lionel Baier. »

 

 

LA DERNIÈRE FOIS QUE…

… vous avez pleuré ?

Quand j’ai vu Madame Butterfly au Metropolitan de New York. Je sanglote toujours avec Madame Butterfly. Là je reniflais au milieu d’une salle indifférente.

… vous avez trop bu ?

J’ai de la peine à trop boire, car ça me rend triste. Je m’arrête à temps, sinon je vois mon lit s’approcher et j’ai envie de m’y étendre.

… vous avez envié quelqu’un ?

Je ne suis pas très envieux. Peut-être un peu vis-à-vis des types qui ont du succès auprès des femmes. Moi, je dois faire beaucoup d’efforts.

… vous vous êtes excusé ?

S’excuser, c’est un peu facile, non ? Il n’y a qu’à pas arriver en retard. Je préfère assumer mes fautes en silence. A force de dire « je suis désolé », c’est le lésé qui finit par se sentir coupable !

… vous avez trop transpiré ?

Ce matin, en suivant mon cours de ninjutsu. C’est de la boxe avec les pieds et les mains, mais adapté aux personnes âgées, qui tapent plus fort.


 

L'ENSEIGNEUR AU POCHE
 

Rosine Schautz, Scènes Magazine, juin 2014

 

"En entrant, j’ai compris. J’ai vu leurs jeans et leurs baskets. J’ai vu leurs fesses en équilibre précaire au bord des chaises. J’ai vu leurs torses affalés. Et leurs chewing-gums. Leurs yeux vides et leurs regards morts. Une classe terminale ! »

 

 

En phase terminale ? Peut-être un peu aussi, car dans le calme de leurs bibliothèques, les enseigneurs se posent parfois par-devers eux la question : « A quoi qu’on sert ? »…

 

VENT DEBOUT

 

Un « enseigneur » ? Le mot de prime abord embarque l’enseignant et le professeur dans la même valise, mot en mode de clin d’œil narquois inventé par l’auteur de la pièce, Jean-Pierre Dopagne.

Ici, L’enseigneur apparaît vent debout devant sa classe. Il veut jouer les passeurs, mais le fleuve est large, et les eaux tumultueuses. Et les barques moins solides qu’il n’y paraît.

Ce prof en scène et presqu’en arrêt sur itinéraire ne sait pas manier l’indifférence, cette version un brin aristocrate du je-m’en-foutisme ou de la désinvolture dont on aime tant se plaindre ici et là. C’est ce qui le rend attachant, évidemment. Abandonné, épuisé, et finalement presque déçu, il lutte avec une malice joyeuse face à des évidences douloureuses qui, à force d’être répétées, ne lui font presque plus ‘mal’. Quoiqu’il ne faille pas toujours croire aux apparences car à bas bruit elles peuvent entamer même les plus motivés.

 

Spectacle brûlant et nécessaire. Nécessaire comme l’est toujours la vocation, surtout quand au loin brûlent les quelques derniers vaisseaux de nos engagements.

 

 

 

ENTRETIEN AVEC PATRICK LAPP

 

- Ce texte est-il révélateur d’un état de la question actuel ? Ou dresse-t-il le constat du pire à venir ?

 

Constat du pire ? En fait c’est surtout l’histoire d’un prof qui a la vocation, qui aime son métier, mais qui peine à communiquer ses enthousiasmes à ses élèves. J’ai joué cette pièce devant une classe de terminale, et la situation au théâtre était presque déjà celle d’une classe : les élèves en bloc se sont groupés au fond, se sont collés les uns aux autres, sifflaient, commentaient, se manifestaient pendant la représentation… À la fin, j’ai parlé aux profs qui les avaient amenés au théâtre. Je voulais comprendre l’attitude de ces jeunes gens, et l’on m’a répondu : « Nous, voyez-vous, c’est toute l’année comme ça ! ». Alors oui, c’est le constat d’un état actuel.

 

- Comment faire aimer la littérature aux nouvelles générations ?

 

Le fait d’aimer ce que l’on veut transmettre ne suffit pas. Il faut savoir communiquer, trouver une voie, un trait d’union qui permette de faire entrer dans les matières selon le public que l’on a devant soi. Avec notre émission Aqua Concert, avec Jean-Charles Simon, on a essayé de faire aimer la musique classique d’une autre manière, en souriant, et c’est ce qui a fait le succès de cette émission. On avait trouvé une porte d’entrée, une façon moins rébarbative de transmettre.

 

- Quel rapport entretenez-vous avec ‘les grands textes’ ?

 

Quand je les joue, je les apprécie beaucoup. Mais je lis plutôt les auteurs modernes et contemporains, moins les classiques, à part l’Iliade et l’Odyssée que j’ai toujours plaisir à relire. Je lis surtout les prix littéraires, et chaque fois, ça me plaît. Les auteurs disent le monde d’aujourd’hui, et j’aime ça. En ce moment, je lis Yasmina Khadra.

 

- La discipline a-t-elle à voir avec l’enseignement ?

 

C’est toujours la question… En fait, si le prof est bon, sait faire passer son savoir, il n’a pas besoin d’être autoritaire. Il a une autorité naturelle qui fait qu’on l’écoute. Un peu comme un chef d’orchestre qui sait inclure tous les participants et communiquer avec son auditoire. Cela étant, il y a aussi des chefs d’orchestre qui sont détestés, que les musiciens ne respectent pas. Je me souviens d’une soirée où on les voyait tirer sans vergogne des boulettes de papier sur leur chef, en plein concert!

 

- Quelle différence faites-vous entre une salle de classe et une salle de spectacle ?

 

Après le spectacle, les profs me disent souvent qu’ils se retrouvent dans mon personnage… Le dialogue entretenu entre un comédien et son public peut ressembler à ce que vivent les enseignants avec leurs élèves. Même rapport de l’acteur ‘seul en scène’ face au grand nombre. Au théâtre aussi les spectateurs qui s’ennuient toussent, se tassent, se recroquevillent, et décrochent par instants.

 

- Pourquoi ce texte ? Comment l’avez-vous découvert ?

 

C’est Lova Golovtchiner qui me l’a fait lire. D’emblée, j’ai été ‘branché’, car le thème nous concerne tous. On a tous eu des amis profs, on a presque tous eu des enfants qui nous racontaient leurs cours. Ce qui a à voir avec l’éducation, la formation, la transmission ne peut pas être inintéressant. Les profs restent ‘de première nécessité’ comme on le dit de certains médicaments, ou de certains aliments.

 

- Y a-t-il des similitudes avec La Journée de la jupe, le film de Jean-Paul Lilienfeld ?

 

Oui, on touche aux mêmes problématiques, quoiqu’ici l’intrigue soit moins ‘politique’, revendique moins.


 

L’ENSEIGNEUR… UN SAIGNEUR ?
 

Nina Brissot, Le Régional, jeudi 27 – vendredi 28 mars 2008

 

 

Patrick Lapp pousse la craie sur le tableau des désillusions… Enseignants s’abstenir !

 

Un mois durant, du 9 avril au 10 mai, Patrick Lapp sera, sur la scène de la Boulimie, l’enseigneur de Jean-Pierre Dopagne, ce prof de littérature dont la satire aiguisée a donné un one-man-show. Un morceau de bravoure pour cet acteur seul en scène qui se retrouve tour à tour professeur ou élève, proviseur ou parent d’élève et tient ainsi une bonne douzaine de rôles.

L’enseignant seigneur c’est bien fini… Les élèves ne se lèvent plus à l’arrivée du Prof, tout juste acceptent-ils de quitter leur sms lors d’une interrogation. D’ailleurs, les têtes vont comme les caisses de l’Etat… vides. Et ces petits animaux réagissent plutôt de manière instinctive pour faire passer les heures supplices de classe.

Mais est-ce le pire de l’enseignement ? Que dire des collègues dont l’intérêt s’applique à de nombreuses choses inutiles mais rarement à la matière enseignée. Ou de ces camarades travailleurs « traîtres à la corporation des léthargiques ». Ces supérieurs démissionnaires attachés à leur siège qui font semblant de croire que l’enseignement reste une profession de foi…

 

Cynique et tendre

 

Le tableau est certes noir et désespéré mais drôle, vif, cinglant, cynique et parfois même attendrissant. L’enseignant seigneur, le démiurge dans sa classe fait désormais parti d’un passé révolu, tout comme les illusions de déontologie interne qu’ont pu nourrir les jeunes profs. Patrick Lapp passe du goguenard au sérieux, joue de la naïveté comme de la désespérance avec l’aisance habituelle de ces hommes qui ne sont bien que sur scène. Pince-sans-rire, il offre un plaidoyer sans concession, salue et se retire sans se retourner. Peut-être par crainte de trouver une vue sur l’amer.

 


 

VOIR LE MONSTRE ET RIRE JAUNE
 

Corinne Jacquiéry, 24 Heures, 24 avril 2008

 


«Vous êtes venu voir le monstre?» interpelle d'emblée Patrick Lapp. Flottement dans le public, qui se demande à qui exactement le comédien fait allusion: à l'homme de radio que l'émission Aquaconcert a rendu extrêmement populaire ou au personnage qu'il va incarner pendant plus d'une heure, un prof profondément désabusé qui va commettre l'irréparable.

 

«Vous êtes venu voir le monstre?» interpelle d'emblée Patrick Lapp. Flottement dans le public, qui se demande à qui exactement le comédien fait allusion: à l'homme de radio que l'émission Aquaconcert a rendu extrêmement populaire ou au personnage qu'il va incarner pendant plus d'une heure, un prof profondément désabusé qui va commettre l'irréparable.

Ancrée dans une brûlante actualité (en début d'année, un enseignant français a giflé un élève qui l'avait insulté et s'est retrouvé en prison), l'histoire de l'enseigneur est celle d'un professeur de littérature, revenu de tout. Il ne peut plus supporter l'inertie ricanante de ses élèves. Véronique qui se fait les ongles ou Guillaume qui hausse les épaules. Le 17 février, jour de la mort de Molière, ses barrières mentales vont brutalement céder...

Dans un décor minimaliste, une table, deux chaises, le talent de conteur de Patrick Lapp, vêtu du classique costume de velours marron, va faire surgir une salle de classe avec «des élèves qui ne réagissent pas avec leur intelligence, mais avec leur instinct». De véritables animaux donc, qui viennent en classe comme s'ils entraient en cage. L'étude d'un passage de Corneille ou d'un poème de Rimbaud les endort ou les enrage. Et malgré les conseils d'un directeur qui prône l'analyse de romans-photos ou de bandes dessinées, le prof va persévérer jusqu'au tragique règlement des comptes.

«Autrefois vous vous seriez levés. On se levait toujours quand j'entrais...» Face aux spectateurs, dans un monologue puissant où le désespoir caustique côtoie une tendresse grinçante, Lapp s'avance d'abord un peu emprunté. Puis, en déroulant dans l'épure le destin chaotique du prof dont on ne connaîtra jamais le nom, il en devient véritablement l'incarnation.

Dans une mise en scène concise de Martine Jeanneret, l'acteur privilégie le ton de la conversation ordinaire, ne se laissant jamais aller à l'emphase, sauf lorsqu'il évoque certains personnages. Patrick Lapp met ainsi en évidence la très possible intrusion du drame dans notre quotidien.


 

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