LA PASSION SELON ANAÏS


INCANDESCENCE AMOUREUSE


L’ESPRIT DE CORPS


A COMME ANAÏS AU POCHE


A COMME ANAÏS : LA PASSION FULGURANTE DE DEUX CRÉATEURS


AMOUR OU ÉCRITURE, MÊME FIÈVRE


LA PASSION SELON ANAÏS
 

Cécile dalla Torre, Le Courrier, 19 décembre 2013

 

 

Des échanges épistolaires entre Anaïs Nin et Henry Miller, Françoise Courvoisier tire, au Poche, le pur plaisir des mots.

 

C’est une histoire de passions, entre un homme et une femme. Une passion amoureuse d’abord. Et parce qu’elle engage deux génies de la littérature du XXe siècle, les mots pour la décrire sont brûlants, dans une alchimie puissante qu’un duo de comédiens lumineux exacerbe encore sur le plateau intime du Poche, à Genève.
Cet homme, c’est Henry Miller, l’Américain débarqué à Paris, fauché comme les blés, dont l’épouse June est ultraséduisante. Elle, Anaïs Nin, brillant esprit aussi tourmenté que Virginia Woolf, mariée à un riche banquier, conquiert le cœur d’Henry et celui de June.

 

Dans les années 1930, Henry Miller et Anaïs Nin entament une relation faite de désir ardent, nourrie par des lettres exaltées durant vingt ans (Correspondance passionnée). La naissance de leur amour, Françoise Courvoisier en signe l’adaptation scénique dans le théâtre qu’elle dirige, s’inspirant des deux premières années de leurs échanges épistolaires (1932 à 1934) et du Journal d’Anaïs Nin paru quelques décennies plus tard.
Pour incarner ces deux figures incandescentes, elle a choisi – et fort bien – deux comédiens qui épousent tant les élans du corps que les turpitudes de l’esprit. Olivia Csiky-Trnka, le sourcil aussi long et dessiné que celui d’Anaïs Nin, campe sublimement cette voix chaude et sensuelle de la littérature, en qui Miller voit «le génie de Rimbaud» et dont il ne cesse de célébrer les talents de jeune auteure et critique littéraire. Frédéric Landenberg, clope au bec, incarne lui le sulfureux auteur de Tropique du Cancer dont Nin, de douze ans sa cadette, admire «la démesure» et le «style torrentiel». Car la fascination que ces deux figures entretiennent l’une pour l’autre est vectrice de leur art littéraire. La jouissance des sens est à l’aune de la stimulation de l’intellect.
Dans un fidèle cadre années 1930, Françoise Courvoisier mêle le dialogue entre Nin et Miller aux monologues intérieurs que tous deux ont couchés sur le papier.
A l’ellipse de la passion charnelle évoquée de leur plume, elle préfère la rencontre des corps dans une petite chambre parisienne – mais en préserve toutefois l’érotisme. […] C’est donc bel et bien la passion des mots et de la littérature qui fait de cette traversée de près de deux heures un moment de théâtre intense.

 


 

INCANDESCENCE AMOUREUSE
 

Marie-Pierre Genecand, Le Temps, 18 décembre 2013

 

Françoise Courvoisier, directrice du Poche, est une amoureuse. Qui se retrouve dans la relation flamboyante qu’ont entretenue Anaïs Nin et Henry Miller en 1932, lorsqu’ils se sont rencontrés à Paris. Les deux écrivains partageaient la même vision intense de l’existence et le même rapport décomplexé à l’écriture. Beaucoup d’exaltation, donc, dans A comme Anaïs, création qui s’inspire des deux premières années de leur longue correspondance. Et une belle performance d’acteurs. Olivia Csiky-Trnka a la délicatesse passionnée d’Anaïs, tandis que Frédéric Landenberg restitue à merveille la virilité à la fois puissante et inquiète de l’Américain.  Les deux amants nous emmènent dans ces contrées musclées où le verbe se fait chair. […]

 

Certes, il y a des obstacles sur ce chemin de roses. D’un côté June Miller, beauté flottante dont Henry a fait sa muse et Anaïs son flirt. La belle Austro-Hongroise est présente à travers un portrait dans ce décor réaliste qui raccorde la chambre pouilleuse d’Henry aux ors luxueux d’Anaïs. Autre obstacle? Hugo, le mari de l’écrivaine, banquier confiant et cocu qui emmène sa femme dans le Tyrol…

 

Mais le verbe demeure dans toute sa vigueur. «Oh la joie d’une femme lorsqu’elle trouve un homme à sa mesure!» s’exclame Anaïs. «Je t’écris sans arrêt, je suis fou de toi!» lui répond Henry, frappant tel un possédé sur sa machine à écrire. Il clame encore: «Nom de Dieu. Tout bouillonne à l’intérieur de moi. Les mots ne suffisent plus. J’ai envie de mordre dans les choses, avec mes dents. Je t’adore. Tu me fais croire que tout est possible.»

 

C’est beau comme un cadeau. Et de saison. Lorsqu’on sort du Poche, Genève rayonne de tous ses feux de Noël. A l’intérieur du théâtre, la même incandescence semble éternelle.


 

L’ESPRIT DE CORPS
 

Katia Berger, La Tribune de Genève, mercredi 18 décembre

 

 

Le bon vieil échange épistolaire d’autrefois donnait lieu à des effusions que ne permettent pas l’e-mail, le SMS ou le tweet. Une tout autre intensité. Pour vous en convaincre, voyez la correspondance qu’échangèrent pendant vingt ans l’écrivain américain Henry Miller et son irradiante maîtresse parisienne Anaïs Nin, de douze ans sa cadette. La passion qui s’y vit autant quelle s’y exprime en embrase les pages une à une. Pareille incandescence ne pouvait laisser froide Françoise Courvoisier qui, sur la suggestion de feu le directeur Théâtre de Vidy, René Gonzalez, porte sur la scène un florilège des lettres de la première période (1932-1934), complété d’extraits du fameux Journal de Nin. Nin, celle qui fusionne la sensualité et l’intellect avant de se fondre tout entière en Miller.

 

Pour incarner cette bombe, la metteuse en scène choisit Olivia Csiky-Trnka, liane au visage mangé par deux grands lacs et à l’élocution troublante, par ailleurs comédienne d’une remarquable finesse. Dans la peau du bohême auteur du Tropique du Cancer, elle distribue le non moins ardent Frédéric Landenberg, chapeau et lunettes rondes de rigueur, serviteur de son désir sexuel autant que de sa fièvre scripturale.

 

Le défi de Françoise Courvoisier (secondée par sa complice Fabienne Guelpa) consiste à réunir le corps et l’esprit, ou en tout cas à refuser de les dissocier. Au sein de chaque personnage, d’abord, dont la part cérébrale n’est jamais dédaignée au profit de l’amoureuse. Et au sein du couple aspirant à se « coudre ensemble une fois pour toutes », ensuite, dont la présence charnelle ne doit pas s’effacer devant la prééminence du texte. Aussi, dans le décor unique d’une chambre d’hôtel, les missives sont traitées tantôt comme des monologues croisés – histoire de respecter le décalage temporel – tantôt comme un dialogue haletant noué en plein ébat érotique.

 

Pari tenu, donc, dans la mesure où la sève d’Anaïs Nin et Henry Milles, grâce à leurs interprètes, tend le spectacle d’un bout à l’autre.


 

A COMME ANAÏS AU POCHE
 

Sandrine Warêgne, L’Agenda Blog, 19 décembre 2013


Les amours de l’écrivain Henry Miller et de sa maitresse Anaïs Nin ont fait salle comble à la première de la pièce « A comme Anaïs » au théâtre Le Poche à Genève.


La pièce présente deux comédiens à la complicité évidente : une Anaïs (Olivia Csiky-Trnka) sensuelle et exaltée, et un Henry Miller (Frédéric Landenberg) au style intello, affublé d’un chapeau, de lunettes et d’une cravate défaite.

Nous sommes au début des années 30 près de Paris. Henry Miller accompagné de son épouse et muse June, fait la connaissance d’un couple d’amis : Anaïs et son mari banquier Hugh. Au-delà de cette amitié et de son rôle de bienfaitrice financière pour l’écrivain, il apparait très vite que des sentiments plus profonds se sont développés entre Anaïs et le couple Miller.

Anaïs qui, au premier abord, vêtue d’une robe romantique en mousseline rose, dégage un air de fragilité, se languit dans un fauteuil ou fait les cent pas avec fébrilité, en lisant les lettres d’Henry ou en rêvant de lui, ainsi que de June, envers qui elle éprouve également des sentiments. Henry, pour sa part, est assis à son bureau et écrit en tapant frénétiquement à la machine à écrire. Il rédige tout à la fois sa correspondance avec Anaïs et son roman « le Tropique du Cancer».

 

L’amour et l’admiration réciproque que se portent les deux amants éclatent dans chaque ligne  de la correspondance. La prose très libre d’Henry Miller est reflétée par la mise en scène, qui passe de poses lascives à des pas de danse avec fluidité tout en montrant avec brio la passion dévorante qui habitait le couple adultère. Le tout sur une scène jonchée de manuscrits chiffonnés et éparpillés, symbolisant la création et le chaos des sentiments de l’écrivain.

 

Un spectacle alliant littérature et sensualité, servi par deux excellents comédiens.


 

A COMME ANAÏS : LA PASSION FULGURANTE DE DEUX CRÉATEURS
 

Catherine Graf, Scènes Magazine, décembre 2013 - janvier 2014

 

« Si j'avais su, en 1914, (j’avais dix ans) que tu devais m'offrir le monde, la rue, le rire, l'aurore, les livres rares, la conversation, les longues lettres irradiées, ta vie, le vin, les nuits blanches arrosées d'anjou, la compréhension, de nouveaux mots, de nouveaux mondes !...»

 

Entretien avec Fabienne Guelpa, collaboratrice artistique

 

 

Racontez-nous la genèse de cette création

 

Le déclic, c'est ce livre annoté que Françoise Courvoisier a reçu de René Gonzalez, la Correspondance passionnée, soit six cent pages de lettres échangées entre Anaïs Nin et Henry Miller sur une vingtaine d'années. Ces lettres sont restées inédites jusqu'à la mort de l'époux d'Anaïs. On découvre des pages d'une grande intensité, sous-tendues par la passion de la littérature et le désir amoureux. Le plus difficile a été de choisir, sur les deux années très intenses du début de leur passion, parmi les 900 lettres, soit 447 pages sur 602, et de n'en retenir que quelques-unes, entre les années 1932 et 1934. Nous avons également choisi quelques extraits du fameux Journal d'Anaïs, au sujet duquel ils s'entretiennent sans cesse, pour compléter le propos.

 

Entre eux, ce fut une vraie rencontre...

 

Anaïs Nin vient de publier son essai pour défendre D.H. Lawrence attaqué suite à la publication de L'Amant de Lady Chatterley, qui bousculait les tabous de l'époque, s'aimer lorsque l'on n'appartient pas au même milieu social, jouir et parler des plaisirs charnels. Henry Miller est arrivé depuis peu à Paris ; en gestation, son Tropique du Cancer. Il est séduit par le charme raffiné d'Anaïs, par l'acuité de son intelligence et la finesse de sa sensibilité. Elle craque devant son élan vital, son audace et sa sincérité. Grande authenticité, grande liberté entre eux. La relation se tisse sans faux-semblants, ils choisissent de se dire ce qu'ils ressentent, leurs idées folles, leurs projets, leurs peurs, les détails concrets de leur vie. Marque insigne de cette confiance : très vite Anaïs fait lire à Henry les pages de son journal qu'elle n'avait jusqu'alors montré à personne. Ce lien franc et spontané leur donne dès lors des ailes, mélange de désir fou, d'amitié profonde, d'estime, et d'échange sans barrières sur leur travail d'écrivain. Il les entraîne vers une relation faite d'élégance et d'élévation, sans  jamais pourtant faire l'impasse sur les aspects matériels et concrets de la vie. C'est un bouillonnement ; les lettres se croisent, ils s'en écrivent parfois plusieurs par jour.

 

Il y aura un effet miroir chez le spectateur, donc...

 

Certainement. Ce parler vrai autour du lien amoureux, autour de la création d'une œuvre, quand chacun des partenaires a d'autres attaches, cette quête autour de leur être complet, femme, homme, écrivain, artiste, créateur de sa vie, épris de liberté et se questionnant sur le conditionnement et les influences familiales, tout cela résonne en chacun. C'est une invitation à ouvrir l'espace non accompli en nous, à chercher au plus profond ce que nous sommes, à identifier ce que nous voulons vraiment, un chemin vers une vie plus authentique et, pourquoi pas, plus joyeuse !


 

AMOUR OU ÉCRITURE, MÊME FIÈVRE
 

Marie-Pierre Genecand, Le Temps -Sortir, 7 décembre 2013

 

À Genève, Françoise Courvoisier ressuscite le couple d'écrivains Anaïs Nin et Henry Miller

 

«La vie rend ivre.» Joie de l'écriture sans relâche, joie de l'amour sans tabou. La nouvelle création de Françoise Courvoisier basée sur la correspondance entre Anaïs Nin et Henry Miller s'annonce flamboyante. Le climat tient au sujet. Pour A comme Anaïs, la directrice du Théâtre Le Poche a choisi de se concentrer sur le moment de la rencontre entre les deux écrivains, à Paris, en 1932. Anaïs Nin a 28 ans, elle est mariée à un banquier et tient son journal depuis l'enfance. Henry Miller a 40 ans, il arrive à peine de New York et s'apprête à publier Tropique du Cancer, livre choc à la sexualité affichée.

Jubilation, donc, mais aussi questionnement approfondi sur la littérature et la poésie. Car l'adaptation de Françoise Courvoisier ne s'inspire pas seulement de Correspondance passionnée, parue en français en 2009. Elle comprend également des extraits du Journal d'Anaïs Nin, «offrant encore un autre climat et une perception différente de cette relation tumultueuse avec Henry Miller», note la metteuse en scène.

Quel duo d'acteurs pour ce couple de tous les émois? Olivia Csiky-Trnka et Frédéric Landenberg, des Romands dont on apprécie le talent. Dans l'étrangeté et le décalage pour elle, dans la précision et la puissance d'interprétation pour lui. «Les comédiens se régalent de cette matière qui est de l'or pour le théâtre», exulte Françoise Courvoisier.


 

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