JUBILATION SUPRACONDUCTIVE


UNE MACHINE THÉÂTRALE


THÉÂTRE EN ÉLECTRON LIBRE


LES TERRIENS : L’ÉCHAPPÉE TERRESTRE ASSEZ « SPACE » DE CLAIRE RENGADE


LES TERRIENS ONT REMONTÉ LE TEMPS EN MUSIQUE


JUBILATION SUPRACONDUCTIVE
 

Marie Pierre Genecand, Le Temps, 23 février 2012

 

 

Avant de devenir auteur et metteur en scène, la Française Claire Rengade a été orthophoniste. Un souci pour le son et le langage qui s’«entend» tout au long des Terriens, fantasmagorie poétique et musicale autour des activités du CERN en général et de l’accélérateur de particules, le LHC, en particulier. Ce spectacle inventif et jubilatoire, on peut le découvrir au Théâtre Sévelin, à Lausanne cette fin de semaine dans le cadre de l’Hyperquinzaine de l’Arsenic, après un passage remarqué au Poche de Genève.

Les Terriens? C’est ainsi que se nomment eux-mêmes les physiciens du CERN que Claire Rengade a côtoyés durant son immersion dans la grande maison (7000 personnes) pour mieux comprendre comment cette communauté chasse le Boson. Clairement, la jeune femme a adoré voir fonctionner ces chercheurs qui parlent en «cernlich», mélange de toutes les langues représentées dans l’institution, et se débattent autant avec l’ascenseur en panne et les plannings d’horaire qu’avec la supraconductivité. Dès lors, sa proposition en 24 saynètes parle physique avec ses grandes questions sur le temps et l’espace, mais aussi chronique quotidienne avec ses casse-tête organisationnels. Surtout, dans une esthétique bricolée où un ressort figure le LHC et un bonnet de bain prépare le plongeon dans l’hélium, le spectacle offre des pépites poétiques où la parole en liberté rappelle les échappées de Valère Novarina.

Un autre élément des Terriens évoque d’ailleurs Novarina, auteur et metteur en scène démiurg e: la forte présence de la musique qui sert de lien entre ces éléments abracadabrants où il est question de champs magnétiques et de collisions. Le groupe Slash/Gordon (trombone, violon et clarinette) tire parti de la voix profonde et limpide de Laura Tejeda et propose des ambiances de fanfare urbaine qui mettent de la tripe là où l’esprit s’échappe. «J’existe, j’espère que ce n’est pas une impression», lance un comédien avant immersion. Le public, lui, en est sûr: un spectacle aussi libre rend plus vivant.


 

UNE MACHINE THÉÂTRALE
 

 

Claire Rengade met en scène au Poche sa pièce Les Terriens, fruit d’une enquête au CERN.

 

Le Courrier, Marie Beer, 15 février 2012

 

Dans la lumière de la salle, une voix jaillit soudain qui nous force à nous taire, et nous renvoie sur les bancs des cours de sciences auxquels on ne comprend rien. C’est celle de Claire Rengade, qui nous fait entrer dans ses recherches pour Les Terriens, pièce née d’une visite dans les laboratoires du CERN, à voir au Poche à Genève jusqu’au 19 février puis à Lausanne à la fin du mois.
On se laisse d’abord entraîner par le miracle d’un flot lisse et musical de paroles absconses. On plonge ensuite sous terre, au centre d’une machine scientifique où tout pose question: la matière, la météo, les portes sorties de leur cadre, puis l’homme, la femme, leur condition et l’harmonie des corps. Les membres de l’équipe des Terriens se heurtent les uns aux autres, cherchant leur place, explorant les limites de leur propre univers.

Artistes de cirque, musiciens et comédiens brillent d’un feu incandescent dans la pénombre de la scène. Ils créent tous ensemble la matière sonore. D’une seule note tenue le long d’un archet jaillit plus loin une chanson qui se construit, s’enrichit, à mesure que chacun y apporte sa contribution. Les considérations les plus triviales rencontrent les énigmes fondamentales de l’être. Tout est interrogé sur le même plan, avec la même distance, avec la même certitude que tout peut être décrit, expliqué, chanté au moins – et qu’on peut ainsi s’approprier ce qui nous échappe.
C’est bien là le défi relevé par Claire Rengade en s’inspirant de sa visite au CERN, un milieu qui lui était auparavant totalement étranger. Forte de son expérience, elle construit sur la scène une atmosphère qui tient du rêve, et qui l’interroge jusqu’au plus profond de sa réalité.
On s’accroche, et on se laisse glisser dans la musique des mots quand on en perd le sens.

[…] Le texte entier – y compris l’admirable charabia – est porté par la musique de Radoslaw Klukowski et son groupe Slash/Gordon, et par un solide duo de comédiens (Colline Caen et Stéphane Bernard) qui, faisant corps avec le texte, parviennent à nous émouvoir jusqu’à la fin.


 

THÉÂTRE EN ÉLECTRON LIBRE
 

 

Du 9 au 19 février prochain, vous êtes invités à intégrer l’univers à nul autre pareil de Claire Rengade, qui avec Les Terriens parvient à nous faire perdre pieds, à travers le récit d’une équipe de scientifiques qui participent à la grande aventure de la quête des origines, au cœur d’une machine tentaculaire, à cent lieues sous terre. Comédiens électriques et jubilation d’une parole survoltée…ce théâtre est aussi musique et langage du corps. Enthousiasmant !


Scènes Magazine, Jérôme Zanetta, février 2012


Composée de vingt-quatre mouvements, la pièce, telle une partition de physique nucléaire explosive, fait la part belle à une parole sans cesse mise à l’épreuve du sens, de la relativité et de sa résistance interne. Le spectateur suit tant bien que mal les circonvolutions de cette humanité laborieuse qui s’est fixé de repousser toujours plus loin les limites de l’espace et du temps. Comme jadis chez Calvino, on se laisse volontiers porter par ce jargon cosmicomique qui joue avec le temps zéro et qui, tel un avatar de l’anti-matière, semble absorber et imbriquer les temporalités et permet de révéler une galerie de créatures à la fois fondatrices et inédites, comme un système de production expérimentale qui crée pour la parole et pour les corps un espace sans limite.

 

Mouvement incessant

Or, le temps échappe à la définition scientifique, et on retrouve ici ce temps qui est de l’argent…, une dimension indissociable de notre quotidien. Mais comme toujours, la machine peut se gripper, en particulier lorsque le grain de sable est l’amour, qui échappe lui aussi à toute tentative de rationalisation et de démonstration scientifique.

 

Fondé sur une expérience vécue au CERN par l’auteure, dans un monde où le langage caractéristique et le mode de pensée souvent déroutants sont étrangers à notre réalité, ce spectacle est sans cesse en mouvement, il nous entraîne dans une dimension poétique, lyrique et absurde à la fois qui nous touche forcément, même si souvent nous perdons nos repères, confrontés à un art mystérieux du langage. Mais comme Novarina, la somme signifiante des éléments en jeu l’emportera sur le nombre d’objets non identifiés et immédiatement insignifiants, tant l’énergie, le mouvement général, la musicalité de la pièce et l’engagement des corps sont remarquables. Cet accélérateur de particules scéniques est dynamisé par le comédien Stéphane Bernard qui, avec les autres acteurs, nous régale de bout en bout. Même s’il peut paraître provenir d’un autre monde, ce spectacle s’adresse bien à nous tous et vous laisse dans un équilibre instable réjouissant.

Salut les Terriens !


 

LES TERRIENS : L’ÉCHAPPÉE TERRESTRE ASSEZ « SPACE » DE CLAIRE RENGADE
 

 

Théâtre. Une pièce forte et poétique qui nous emmène dans un monde bizarre : le nôtre.


Le Progrès, Nicolas Blondeau, 3 décembre 2011

 

C’est avec des conversations ordinaires et prosaïques glanées dans les couloirs du CERN (l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire) que Claire Rengade a écrit son spectacle Les Terriens (assurez-vous que vous faites totalement autre chose).

Elle les a mixées, broyées puis remontées selon un désordre savant. Il en ressort une pièce étrange, d’une force poétique indéniable, qui élève la banalité des considérations quotidiennes (sur le fonctionnement médiocre de l’ascenseur, les délais à tenir, le temps qui passe et le système idiot de rangement des bureaux) au rang d’un oratorio surprenant.

Ces échanges s’incarnent grâce à des comédiens facétieux et énergiques emmenés par l’excellent Stéphane Bernard. Le sens général nous échappe la plupart du temps mais l’on est saisi par ces petits bouts d’histoires qui s’emboîtent, que l’on surprend comme à la dérobée.

L’humour fait également mouche. Il est créé par le décalage des paroles et la façon, faussement indifférente ou au contraire exagérée, de les interpréter. La langue devient une musique portée par des instruments qui jaillissent soudain d’un décor abstrait et changeant. Bref, ces Terriens méritent d’être rencontrés.


 

LES TERRIENS ONT REMONTÉ LE TEMPS EN MUSIQUE
 


Le Dauphiné Libéré, 18 novembre 2011.

 

La création Les Terriens, imaginée et mise en scène par Claire Rengade et portée par des comédiens et musiciens jubilatoires, était mercredi soir à Château Rouge une belle expérience théâtrale à partir d’un vécu au centre de physique du CERN et de son accélérateur de particules. En nous immergeant dans l’énorme machine à remonter le temps tout en l’accélérant, les comédiens ont permis de voir en séquences précises et poétiques les paramètres scientifiques et l’être humain dans son ubiquité, son charme et sa fusion. Tout en paroles nerveuses et musiques chahutées, c’est un système de production qui a été dévoilé.


 

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