ERMITAGE FESTIF AU FOND D’UNE CAVE


LA CASTOU EN SCÈNE


AU CŒUR DE L’ÂME, EN MARGE DU SYSTÈME


ÉCOUTE-MOI


UN MYTHE EN SUISSE ROMANDE


ERMITAGE FESTIF AU FOND D’UNE CAVE
 

 

Marie Beer, Le Courrier, 4 mai 2012

 

Au Poche, Françoise Courvoisier met en scène Écoute-moi, dont elle est l’auteure. La Castou campe brillamment une vieille femme marginale.

 

Lasse de son succès, une star du cinéma dont la disparition a marqué l’univers médiatique vit depuis plusieurs années à l’écart de tout, dans une cave où elle s’adonne à la création d’objets bizarres et à la peinture. Une jeune fille en manque d’affection et un vieux rocker errant l’y rejoignent. Se tissent alors des liens d’une grande tendresse dans l’isolement de cette femme autoritaire et cynique qui refuse de s’attacher aux autres, et qui se consacre exclusivement à son étrange activité. C’est Françoise Courvoisier, directrice du Poche, à Genève, que l’on doit l’écriture et la mise en scène d’Écoute-moi dans son théâtre. Le texte, sensible et drôle, parle de la jouissance élémentaire de peindre sur les murs, mais aussi de l’affection et de l’absence.

 

« Le bonheur, c’est du chagrin qui se repose ». Françoise Courvoisier crée un spectacle d’une grande finesse. Ses personnages, affirmés sans être caricaturaux, assument leur maladresse et revendiquent leur besoin de s’aimer et d’être entendus. L’une – la délicieuse Catherine Burkhardt, alias Castou, qui incarne la femme mûre – impose sa voix. Forte et grave, elle a réponse à tout et une longue expérience qu’elle rechigne à partager. L’autre – Patricia Mollet-Mercier dans le rôle de la jeune fille – trépigne et bondit d’un coin à l’autre, cherchant par tous les moyens l’attention de ses compagnons. Quant au rocker déluré au blouson de cuir incarné par Philippe Mathey, il répète inlassablement des chansons d’amour à l’adresse de sa favorite.

 

Chacun des acteurs porte comme un gant son rôle écrit pour lui. Tous dansent et les vinyles tournent sur une vieille platine, dans la lueur d’une guirlande lumineuse. Car la dynamique repose aussi sur une très forte ambiance musicale rock, et sur un habile jeu de lumières qui participe à l’atmosphère du lieu et rappelle l’existence d’un monde au-dessus de la cave. Bien des trésors se cachent aussi au-dessous, dans une pièce secrète où la jeune fille fait des découvertes. Pétillante et agile, à la recherche de son identité, elle répand autour d’elle son énergie, essayant toute la garde-robe de son modèle dans un tourbillon de volants.

 

La vie souterraine prend peu à peu la forme du bonheur, éphémère, car il faudra bien finir par se séparer. La pièce se passe de sentimentalité abusive, et parvient à faire vivre trois personnages attachants aux répliques nettes et audacieuses.


 

LA CASTOU EN SCÈNE
 

Didier Walzer, Coopération n°17, 24 avril 2012.

 

La pétillante Castou (alias Catherine Burkhardt) est bien connue pour ses rôles dans plusieurs séries télévisées romandes, dont Bigoudi, et sur les planches dans la Revue de Genève. La voici dans une pièce écrite et mise en scène par Françoise Courvoisier, directrice du Poche, à Genève. Dans Ecoute-moi, à découvrir jusqu’au 9 mai, une femme s’est retirée du monde pour redécouvrir les choses simples de la vie. Dans une cave qui lui sert à la fois de logement et d’atelier, elle fabrique de drôles d’objets. Sa retraite est perturbée par une jeune fille en mal d’affection (Patricia Mollet-Mercier) et d’un vieux rocker mythomane (Philippe Mathey).


 

AU CŒUR DE L’ÂME, EN MARGE DU SYSTÈME
 

 

Marie-Pierre Genecand, Le Temps, 24 avril 2012

 

Qu’est-ce qui fait qu’on se lève chaque matin pour prendre notre place, avec autant de hâte, dans le ballet humain? A sa manière, (...) Françoise Courvoisier pose cette question dans Ecoute-moi, récit d’une star du show-biz qui abandonne les lumières de la célébrité pour l’ombre d’un sous-terrain. Grâce à la performance des comédiens (...), la petite communauté constituée en marge du système finit par l’emporter. Des airs italiens, une solidarité joueuse, quelques coups de griffe affectueux, la cave qui abrite ces trois personnages en quête de vérité donne presque envie de s’enterrer.

 

La Castou. On l’a beaucoup vue dans des productions populaires, gouaille généreuse. Ici, la crinière grisonnante et la mine revêche, la comédienne offre des contours plus rugueux. Elle est Solange Lazur, star de la chanson et du cinéma, qui, un jour de 2003, décide de tout quitter pour un repaire austère où elle peint des sphinges et confectionne de drôles de couronnes. «Solange Lazur n’existe plus. Ma vraie vie commence ici dans ce trou à rat», dit-elle à la jeune fille de 19 ans qui l’a miraculeusement retrouvée - la vraisemblance n'est pas l'atout principal de la pièce - et souhaite ressusciter la vedette d’autrefois. Elle aurait pourtant bien besoin d’une étoile, la petite qu’on appelle aussi la crevette (Patricia Mollet-Mercier, parfaite). En rupture scolaire et bientôt familiale, la jeune fille flotte et cherche un port où s’ancrer. Pareil pour le rocker au cœur blessé (Philippe Mathey, rôdé). Lui aussi a succombé au sourire de Solange et veut renouer avec cet émerveillement…

 

A l’image de Grisélidis Réal, Françoise Courvoisier aime les figures cabossées, belles dans leurs entêtements, le cœur aux lèvres. On salue sa passion obstinée pour cette humanité de quartier.


 

ÉCOUTE-MOI
 

 

Anouk Molendijk, Scènes Magazine, avril 2012

 

Au tout début des répétitions d’Écoute-moi, Françoise Courvoisier, directrice du Poche, a accepté de nous rencontrer pour un entretien sur sa dernière création, dont elle signe à la fois l’écriture et la mise en scène. Ce spectacle, relatant l’histoire d’une femme qui s’est exilée du monde pour fabriquer des objets curieux dans sa cave, est parti de son envie d’à nouveau travailler avec la Castou.

 

Comment est né le projet d' « Écoute-moi »?


Écoute-moi est né à la fois du désir de prolonger ma collaboration avec la Castou (Catherine Burkhardt) et d’une révélation suscitée par les photographies de Mario del Curto sur l’art brut. J’avais travaillé avec Castou une première fois sur Racines d’Arnold Wesker, où elle jouait le rôle d’une mère issue d’un milieu simple. J’avais réalisé avec elle un travail d’une grande profondeur, tout en délicatesse. Nous avions toutes deux été ravies de cette expérience. Nous avons à nouveau collaboré pour une pièce de Viala, où elle jouait une pensionnaire revêche et désagréable d’un EMS, tout à l’opposé d’elle ! J’ai beaucoup apprécié sa flexibilité, ainsi que son immense modestie. Elle aime travailler et a gardé un grand émerveillement par rapport au métier. Pour ce qui est du sujet, j’avais trouvé dans un livre sur l’art brut de Mario del Curto l’histoire de quelqu’un qui décide de décrocher du monde. J’ai ainsi créé le personnage que jouera Castou, qui a eu un passé glorieux et qui pourtant s’installe dans une cave, avec très peu de confort. Elle fera de cette cave un atelier, où elle créera de ses mains des objets singuliers. Elle sera rattrapée par une jeune fille qui l’admire, puis un vieux rockeur.

 

Comment avez-vous donné forme à ces personnages ? Vous êtes vous inspirée des acteurs qui allaient les interpréter ?

 

Mes personnages sont faits d’un mélange de personnes que j’ai pu rencontrer. Par exemple, le vieux rockeur a quelque chose de Kalfon. J’aime l’idée que les gens ne sont pas ce que l’on croit. J’essaie ainsi d’exploiter la part d’ombre des acteurs, et de ne pas leur donner des rôles trop évidents. Lorsque l’acteur est à mi-chemin entre lui-même et le rôle, cela donne quelque chose de plus intéressant qu’un rôle qui colle à la peau ou trop éloigné de sa sensibilité naturelle. J’avais pensé à la Castou et à Patricia Mollet-Mercier, et le rockeur s’est imposé de lui-même au cours de l’écriture. Philippe Mathey, qui l’interprétera, peut autant avoir l’air splendide que plongé dans une profonde déchéance.

 

Comment évolue l’écriture d’« Écoute-moi » avec le passage à la scène ?


Pour cette pièce plus que pour mes précédentes, j’ai envie de développer des climats. On vient de commencer les répétitions, et je n’arrête pas de couper dans le texte. Il ne faut pas avoir peur d’être simple. Je recherche la densité, et j’ai plus envie de travailler sur des situations.

 

Quels liens pourriez-vous tisser entre « Écoute-moi » et d’autres de vos pièces ?


J’aime travailler sur des personnages marginaux. La jeune fille de cette pièce est en quête de sens, et les deux autres personnages ont trouvé une façon de vivre spéciale qui leur convient. J’ai eu envie de parler d’un rapport mère-fille et j’ai pensé que cela serait plus fort si les deux personnages n’avaient pas ce lien de parenté, sans quoi cela serait peut-être trop direct. Le rockeur est en quelque sorte un troisième pilier qui reflète le couple, et un ingrédient de masculinité.

 

Comment s’intègre la dimension artistique avec le travail manuel du personnage de Castou ?

La pièce comporte-t-elle un message sur l’art ?


Je n’ai pas envie de dire que la femme que joue Castou fait de l’art. Elle fabrique de drôles d’objets, sans notion d’esthétique. Ce qu’elle va faire sera l’aventure des répétitions. Je voulais voir Castou être dans le « faire »  plus que dans le « paraître », et d’ailleurs elle et Patricia Mollet-Mercier sont très douées de leurs doigts !

 

Pourriez-vous nous dire en conclusion quel pourrait être le propos de cette pièce ?


J’ai trouvé intéressant de mettre à la scène quelqu’un qui va vers un total dépouillement, qui a fait le choix de freiner d’un coup, et qui retrouve le bonheur de faire des choses élémentaires. Ce travail artisanal est évidemment une quête de sens. Je ne sais pas ce que ce spectacle pourra apporter aux spectateurs, mais j’espère qu’en en sortant, cela puisse ouvrir quelques portes. Au théâtre, nous racontons toujours le désir de communiquer. J’aimerais qu’en sortant les gens aient davantage envie de se parler et d’être eux-mêmes.

 


 

UN MYTHE EN SUISSE ROMANDE
 

 

Marie-Pierre Genecand, sortir.ch, avril 2012

 

La Castou, c'est un mythe en Suisse romande. Une comédienne charismatique, drôle et populaire qui est un peu à notre région ce que Jacqueline Maillan a pu être à la scène parisienne. Dans cette nouvelle création qu'écrit et met en scène Françoise Courvoisier, la Castou compose un personnage à l'envers de sa personnalité. Celui d'une femme en quête de solitude, qui se terre dans une cave-atelier pour fabriquer des objets exprimant sa part cachée. Retraite de courte durée, de fait, puisqu'elle est interrompue par une jeune fille en manque d'affection (Patricia Mollet-Mercier) et un vieux rocker mythomane (Philippe Mathey). Soit un trio remuant qui saura créer les relations à haute charge émotionnelle qu'affectionne la directrice du Théâtre Le Poche.


 

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