L’ATELIER D’ÉCRITURE


ENJEUX DE L’ÉCRITURE – JEUX D’ÉCRITURE


COMÉDIE GRINÇANTE


L’ATELIER D’ÉCRITURE AU POCHE


L’ATELIER D’ECRITURE


LE BIG SPLEEN DES ÉCRIVAINS


MAUX D’AUTEURS


L’ATELIER D’ÉCRITURE
 

 

Le Théâtre Le Poche présente un nouveau spectacle, L’Atelier d’écriture de David Lodge, mis en scène par Claude Vuillemin du 5 au 25 mars prochain.

 

Cristelle Coppolino, Nouvelles de Champel, Malagnou, Florissant, Vieille-Ville, mars 2012

 

Dans une ferme aménagée pour des ateliers d’écriture de la fondation Wheatcroft, des auteurs, plutôt caustiques, ont été invités pour parler de leur art à des amateurs. Il y a une écrivaine à succès dont les livres sont des best-sellers et le tempérament un peu nymphomane ; le romancier américain en pleine crise existentielle et le jeune auteur insolent et provocateur qui veut publier un livre de deux cents pages blanches. Passion pour la littérature, intelligence et justesse des dialogues sont ce qui caractérise cette pièce et pose la question : pourquoi, pour qui et comment écrit-on ?

 

Trois questions à Claude Vuillemin : pouvez-vous décrire les trois auteurs invités ?

Il y a Léo Rafkin qui est un juif américain de soixante ans environ, divorcé et père de trois enfants. Il est professeur de littérature dans une université américaine. Il bénéficie d’une bourse Guggenheim pour effectuer un séjour en Angleterre, afin d’écrire un roman sur la fin de la Deuxième Guerre mondiale en Europe. Son roman n’avance pas : il bloque ! Il accepte de diriger un stage d’écriture à la Fondation Wheatcroft dans l’espoir de relancer son travail.

Maude Lockett est une Anglaise, âgée d’une cinquantaine d’années, mariée et mère de quatre enfants. C’est une auteure à succès ; ses livres se vendent à des milliers d’exemplaires. Elle travaille également pour les journaux, la radio et la télé. C’est une habituée de la Fondation Wheatcroft, elle y a enseigné à de nombreuses reprises. La rumeur insinue qu’elle collectionne les jeunes acteurs…

Et puis, il y a Simon Saint-Clair, un Anglais, de trente-huit / quarante ans environ ; il est célibataire. Auteur d’un roman, il a publié également un recueil de ses essais. Journaliste free-lance, il rédige des articles et des critiques des deux côtés de l’Atlantique, traitant de littérature, de musique et d’autres aspects de la culture contemporaine. Il est l’auteur « invité surprise » du stage. Il n’y participe qu’un jour.

 

Quelles sont les intrigues de la pièce ?

La Fondation Wheatcroft organise régulièrement des ateliers d’écriture de quatre à cinq jours. Ils sont dirigés par des auteurs confirmés à l’intention d’écrivains amateurs et débutants. Tout oppose Léo et Maude : un homme et une femme, c’est l’évidence ; l’un divorcé, l’autre mariée ; leur statut social, l’un est auteur confidentiel et l’autre, une auteure à succès et leur conception de la littérature et du rôle de l’enseignant est aussi divergent. Entre eux s’installe un jeu de pouvoir et de séduction.

L’action se déroule dans une dépendance de la Fondation aménagée pour y loger les professeurs. Nous sommes en quelque sorte dans les coulisses du stage. Une dizaine de scènes exposent les conflits entre les deux protagonistes et révèlent également la crise existentielle que traverse chacun. Le « débat » est arbitré ou dynamité par Simon.

 

Quels rôles les auteurs amateurs vont jouer ?

Le stage accueille quatorze stagiaires, femmes au foyer, retraités, chômeurs… Il n’y a pas de sélection : les premiers inscrits sont les premiers servis. Pendant le spectacle, nous n’en verrons qu’une : Penny Sewell. C’est une jeune femme d’une trentaine d’années, mariée, sans enfant et maîtresse de classes enfantines. Elle participe pour la première fois à un stage d’écriture. Son travail est critiqué et rejeté par Léo. Bien que meurtrie, elle n’abandonne pas et met en demeure Léo de lui donner la clef de l’écriture, la « formule magique ». C’est un personnage franc, direct et déterminé. Je ne vais pas en dire plus. Laissons aux spectateurs le plaisir, je l’espère, de découvrir les péripéties de la pièce de David Lodge.

 

Les 9, 15 et 17 mars, cette pièce sera surtitrée pour les spectateurs sourds t malentendants, une collaboration avec le Département de la culture et le télétexte.

 

 


 

ENJEUX DE L’ÉCRITURE – JEUX D’ÉCRITURE
 

 

Si David Lodge est surtout connu et apprécié pour ses romans, force est de constater que l’on méconnaît son théâtre. Lacune réparée grâce à la mise en scène de Claude Vuillemin de L’Atelier d’écriture au Poche.

 

Rosine Schautz, Scènes Magazine, mars 2012

 

Comédie en deux actes, L’Atelier d’écriture s’articule autour d’une dramatique s’il en est : unité de lieu (le centre Wheatcroft, une ferme du Dorset aménagée pour accueillir des stages d’écriture créative), et unité de temps, ici quatre jours de cohabitation forcée pour cinq personnages. Lodge crée un huis clos permettant de rapprocher les différentes manières de vivre l’écrit, et par là divers rapports au monde et aux autres. Comme le profère un de ses protagonistes : « mettre ensemble des gens qui veulent être écrivains avec des gens qui le sont vraiment… Les faire manger ensemble, travailler ensemble, se détendre ensemble… Ça a vraiment un effet stimulant. C’est comme une Cocotte-minute ». Le spectateur entrevoit que ce qui est en jeu dans la littérature est souvent bien plus terre à terre et « mécanique » qu’on pourrait le présumer.

Car petit à petit les personnages seront pris dans des enjeux autres qui font boule de neige et qui se révèleront assez loin d’une quelconque visée littéraire : Leo Rafkin est surtout fasciné par le sex-appeal et le sourire étincelant de Maude Lockett, romancière à succès dont la vie amoureuse est aussi effrénée et déchaînée que ses romans sont prudes et rangés ; Penny Sewell, étudiante du stage, s’avérera bien moins naïve qu’elle ne le semblait au premier abord… bref, on pourrait multiplier les exemples qui mettent en scène les vraies préoccupations, les vrais malaises et les vraies ambitions de chacune de ces cinq personnalités emblématiques d’un monde littéraire très contemporain et déjà médiatique. Entre répliques cocasses et mises en abîme de situations « lettrées » surgissent plusieurs conceptions de l’art, de la vie quotidienne voire du quotidien du sexe qui s’affronteront et auront pour effet collatéral de modifier chez chacun un certain rapport aux mots, aux choses, aux autres.

Lodge en fine mouche, et même en mouche du coche, décline ainsi avec ironie les moments d’un écrivain : rapport aux éditeurs, au lecteur, aux critiques, plaisir et douleur de la composition d’un texte, sans non plus s’empêcher de soumettre à notre sagacité la pertinence de tous ces stages et autres ateliers dont on dit qu’ils seraient sinon une panacée, du moins d’utilité publique pour développer des talents ou plus grave, un narcissisme ontologique. Alors enjeux de l’écriture, jeux d’écriture, atelier d’écriture ? Jouer à écrire peut-être, comme le titre anglais de la pièce , The Writing Game l’éclaire a priori et le souligne a posteriori.

 

ENTRETIEN AVEC LAURENT SANDOZ

 

De quoi parle cette pièce selon vous ?


De l’identité, de la reconnaissance, de la frustration, de la méchanceté, de la réussite professionnelle et plus généralement du désarroi. Pour mon personnage : frustration d’une vie privée chaotique et d’une carrière inaboutie, constat d’insatisfaction du niveau atteint par rapport à un niveau hypothétique rêvé, comme s’il y avait une impossibilité pour certains de voir le verre à moitié plein, plutôt qu’à moitié vide.

Le monde artistique implique souvent un système de dépendance, et vivre avec ou de cette dépendance peut créer de véritables tensions, et finalement de l’amertume. La pièce creuse ce sillon, ici c’est le monde littéraire qui est en jeu, mais au fond, les thèmes abordés sont presque tous universels.

 

Vous sentez-vous proche de votre personnage ?


Dans la pièce, je suis Leo Rafkin, un écrivain juif new-yorkais qui est sollicité pour animer un stage d’écriture. Dans un certain sens, il a réussi : il est reconnu par le milieu, mais pas par le grand public, comme Maude, écrivaine de best seller, également présente dans la ferme-atelier où se passe la pièce. Leo est en quelque sorte obligé d’accepter ce genre de « mandats » car il en a besoin sur le plan économique.

Je comprends sa situation, je dépends moi-même de propositions ponctuelles, je me sens donc proche de lui, même si je n’ai pas sa capacité de radicalité d’opinion. Je le comprends quand il dit : « Je veux tuer l’absence de talent dans l’œuf ». Cette phrase résonne en moi, notamment parce que j’ai fait partie d’un jury d’entrée au Conservatoire, section professionnelle, et que c’est une question que l’on est amener à se poser. Faut-il encourager, faut-il dissuader ? Quelqu’un qui a les qualités nécessaires, on le repère, quelqu’un qui ne les a pas, on le pressent, mais ceux qui sont au milieu ? Que leur dire ? Comment trancher ?

Enfin, le personnage de Léo est intéressant car il met en lumière à sa manière le microcosme, ou disons les phénomènes induits par le microcosme : l’esprit de compétition, de rivalité, qui ronge, qui corrode tout, et qui finit par empêcher toute empathie, tout regard généreux sur soi et les autres.

 

La cohabitation forcée au théâtre provoque-t-elle les mêmes ravages que ceux décrits dans "L’Atelier d’écriture" ?


D’abord, il faut dire que la cohabitation dans l’Atelier d’écriture ne dure pas longtemps. Elle permet donc plutôt la découverte de nouvelles choses sur soi, et avec les autres. Au théâtre également, la cohabitation ne dure pas. On a parfois des antipathies, des incompatibilités d’humeur, mais au fond de soi, on sait que cela ne durera pas si longtemps que ça. On vit ensemble sur un spectacle, pas sur trente ans… Cette cohabitation forcée est donc plutôt une chance car elle provoque des rencontres inattendues, des confrontations stimulantes, et ces opportunités sont condensées dans le temps. Ravages ? Non, je n’irais pas jusque là ! David Lodge propose dans sa pièce un atelier d’écriture pour lequel il n’y a pas de sélection préalable – ce que déplore mon personnage d’ailleurs ! – et cela diffère de l’engagement théâtral. Le metteur en scène choisit sa distribution, il y a donc sélection de l’un plutôt que de l’autre, et je pense que cela change la donne de la « cohabitation forcée ».

 

Quel metteur en scène est Claude Vuillemin ?


C’est un homme cultivé, un grand lecteur qui cherche à entrée en matière d’emblée. Il talonne le sens profond du texte, il refuse de rester à la surface des choses. C’est un homme rigoureux et précis. Il n’aime pas la facilité, et à la fois il respecte tout à fait ce que l’on propose. Il le dit : nous construisons le spectacle ensemble. Donc, pas de longues lectures à la table, mais plutôt une immédiate entrée en matière.

Pour un acteur, c’est très agréable de travailler avec lui, car on se sent vraiment dirigé. Il n’a pas peur de nous dire si l’on est faux, et comme il est clair dans ses idées, il arrive à persuader plus qu’à imposer ceci ou cela. Il dialogue. Ensuite, à nous de nous approprier le texte, d’être au servie du contenu qu’il veut faire entendre. Avec cette pièce très brillante, très « british », le danger existe de se satisfaire de faire rire, de faire résonner les bons mots, car David Lodge maîtrise parfaitement le genre de la fine comédie anglaise. Nous aurions alors assisté à un spectacle habile et un peu démagogique. Claude pense à juste titre que la pièce de Lodge vaut beaucoup plus que ça, qu’elle a un vrai potentiel de réflexion sur la nature humaine, que ses personnages vivent des étapes cruciales de leur existence et qu’il faut donc chercher le fond. L’humour de David Lodge n’en résonnera que plus vigoureusement.

 

 


 

COMÉDIE GRINÇANTE
 

 

Marie-Pierre Genecand, Sortir, 1er mars 2012

 

Une écrivaine à succès à tendance nymphomane, un romancier américain dont les livres restent confidentiels et un jeune auteur arrogant qui développe des techniques chocs pour se faire remarquer. Fidèle à ses satires sociales aux traits acérés, David Lodge rassemble des personnages que tout sépare dans son Atelier d'écriture. A la mise en scène de cette comédie grinçante, Claude Vuillemin révèle son amour pour les auteurs anglais «capables de traiter des sujets profonds dans le décalage». Ici, il est question d'inspiration, de communication et de désir de croire encore ou non à la beauté du geste littéraire. Caroline Gasser, Philippe Lüscher et Laurent Sandoz figurent parmi les comédiens qui tournent les pages de ce grand livre plein d'humour et de rage.


 

L’ATELIER D’ÉCRITURE AU POCHE
 

 

Colette de Lucia, Le Frontalier, mars 2012

 

Imaginez une écrivaine à succès, qui, sans répit, additionne les best-sellers et de surcroît, est nymphomane ; un romancier américain dont les titres restent confidentiels, en pleine crise existentielle, et un jeune auteur outrecuidant et insolent, dont la toute dernière invention a été de lancer un ouvrage de cent pages vierges, se retrouvant dans une ferme aménagée pour des ateliers d’écriture. Cette pièce comique, produite par le Théâtre de Poche, est servie par la justesse et l’intelligence de dialogues pétris de bons mots, aussi bien que d’une passion pour la littérature sans bornes. La question reste : pour qui, pourquoi et comment écrire ?


 

L’ATELIER D’ECRITURE
 

 

L’humour corrosif de David Lodge s’installe au Poche.

 

Lionel Chiuch, Guidetvloisirs, du 3 au 9 mars 2012

 

L’écriture, David Lodge connaît. Il est même l’auteur d’un essai sur le sujet, L’art de la fiction. C’est donc en spécialiste qu’il aborde ce thème dans L’atelier d’écriture, comédie en deux actes créée en 1990. Quatre jours de stage, cinq écrivains confirmés ou qui rêvent de le devenir et, pour finir, des enjeux qui ne sont pas uniquement littéraires.

 

« Je suis fasciné par les écrivains, par la personne cachée derrière le nom de la couverture », explique Claude Vuillemin, qui signe la mise en scène. « C’est donc pour moi l’occasion de pénétrer dans leur cuisine et de démystifier ces gens que je mets sur un piédestal, mais qui vivent eux aussi des crises existentielles ».

 

S’il est question d’art dans L’atelier d’écriture, il est également question de sexe et de pouvoir. Le tout traité sur le mode caustique et désabusé, une tonalité que David Lodge privilégie dans toute son œuvre.

 

Ce jubilatoire et brillant huis clos d’écrivains réunit par ailleurs une belle brochette de comédiens : Caroline Gasser, Philippe Lüscher, Antony Mettler, Madeleine Piguet-Raykov et Laurent Sandoz. « J’essaie de cultiver une mise en abyme entre la personne de l’acteur et son rôle : pour qu’il se sente impliqué personnellement et ne puisse pas se contenter de faire son métier », précise encore Claude Vuillemin.


 

LE BIG SPLEEN DES ÉCRIVAINS
 

 

Marie-Pierre Genecand, Le Temps, 7 mars 2012

 

Le hasard du calendrier genevois veut que deux spectacles à l’affiche tournent autour d’une activité identitaire. Au Théâtre des Grottes, huit femmes du début du XXe siècle se retrouvent au Lavoir et profitent de ce rendez-vous de lavandières pour nettoyer leurs cœurs et leurs esprits en plus de leurs fripes. La pièce mise en scène par Patrick Brunet n’est pas révolutionnaire, mais rayonne d’un esprit solidaire et d’un devoir de mémoire qui fait son intérêt (LT du 06.03.2012).

Au Théâtre Le Poche, ce sont les écrivains qui tiennent la vedette dans L’Atelier d’écriture de David Lodge. On y trouve Maude Lockette (Caroline Gasser), romancière anglaise à succès qui abreuve ses lecteurs de ses «règles, fausses couches et allaitements». Léo Rafkin (Laurent Sandoz), auteur juif américain dont les ouvrages plus exigeants peinent à trouver leur public. Et Simon Saint-Clair (Antony Mettler), dandy British qui base sa notoriété sur des coups médiatiques comme publier un livre aux 250 pages totalement vierges… Les trois sont invités à un atelier d’écriture destiné à une vingtaine d’aspirants écrivains qu’on ne voit pas, à l’exception de Penny (Madeleine Piguet), jeune enseignante qui produit d’abord du sous-Virginia Woolf avant de trouver son ton. Manque encore à ce portrait de famille Jeremy (Philippe Lüscher), intendant zélé de cette ferme des célébrités.

Fidèle à sa manière mordante, David Lodge rassemble des personnages qui adorent se détester. L’écrivaine est nymphomane, l’Américain, aigri, et l’outsider, inconsistant. La vanne fuse, l’ironie irradie. A la mise en scène, Claude Vuillemin souligne ce côté primaire en ponctuant de cris d’animaux chaque changement de tableaux. Des tableaux qui se déroulent dans un salon au confort sommaire, entre chalet de montagne et grange retapée. […]


 

MAUX D’AUTEURS
 

 

Lionel Chiuch, Tribune de Genève, 7 mars 2012

 

Enfermez quelques écrivains – des deux sexes – ensemble, confrontez-les à une poignée de quidams qui rêvent de le devenir et vous aurez L’atelier d’écriture, de David Lodge. Sauf que, bien sûr, l’auteur britannique excelle dans la subtilité, même quand il parle de sodomie et traite l’un de ses personnages de « trou du cul ». C’est sans doute ce que l’on appelle la « British touch », qui vaut autant pour l’élégance vestimentaire que spirituelle. David Lodge est un érudit caustique, son théâtre devrait se déguster comme une tasse de thé corsé, le petit doigt en l’air. […]


 

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